LÉGER FERNAND (1881-1955). - Lot 129

Lot 129
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LÉGER FERNAND (1881-1955). - Lot 129
LÉGER FERNAND (1881-1955). L.A., 11 janvier 1915, à Jeanne LOHY; 4 pages in-8, enveloppe à «Madame Léger». Belle et émouvante lettre du front en Argonne, à sa marraine de guerre et future femme. [Jeanne LOHY (1895-1950), rencontrée avant la guerre dans les milieux artistiques, fut la marraine de guerre de Fernand Léger, qui l'épousera officiellement en 1919. La lettre est adressée à «Madame Léger» chez «Serge Jabstrebzoff», le peintre Serge Férat.] «Mon cher Janot, voilà trois jours sans lettres je n'y étais plus habitué. [...] Je ne sais pas quel temps il fait à Paris, mais ici c'est inqualifiable et malgré cela on ne s'est jamais autant battu là-haut. C'est incroyable l'énergie qu'il faut aux hommes pour se tuer par des temps pareilles. Aujourd'hui j'ai encore un de ces cafards pas ordinaire, surtout que je comptais au moins sur une lettre ce soir et rien. Je crois que si j'ai le bonheur de revenir jamais de ma vie je ne retournerai dans ce sinistre pays. C'est tout au plus bon pour des soldats qui s'y tuent. Mais comment des civils peuvent-ils y habiter ? [...] j'entends toujours cette sacrée mitrailleuse qui tient à se faire entendre chaque fois que je t'écris. On doit attaquer dur du côté du 2e corps Toute la journée une canonnade formidable, et ensuite lorsque l'on pousse à fond, c'est l'infanterie et les mitrailleuses. [...] Dire qu'à la minute où je t'écris il y a des hommes qui sous une pluie glacée qui tombe en rafale, dans de la boue jusqu'aux genoux, se lancent les uns sur les autres à coups de baïonnette. Pense, Janot, à ce qu'ils feraient s'il n'étais pas à la guerre [...] Pense à tous ces pauvres gars qui sont en train de crever tout doucement en pleine connaissance entre deux tranchées, sachant qu'ils vont y mourir sans aucun secours. Avant-hier tout un peloton de ma compagnie a été enveloppé. Nous restons 4 de l'escouade sur 15. Que sont-ils devenus. On ne le saura jamais. Nous savons par qquns qui ont pu se sauver qu'ils ont tenu presque jusqu'au bout. Quand ils n'ont plus eu de cartouches ils ont pris les pioches et les barres à mine, ils se sont battus comme des sauvages après avoir passé 16 jours là-haut avec un repas par jour. Quand on apprend après cela qu'il y a des premières au Moulin-Rouge cela vous casse les pattes. C'est terrible de penser que Paris rigole et que tant de pauvres diables se font casser la figure. Je m'aperçois, mon Janot, que je t'écris une lettre sinistre. Il y a des jours comme cela où l'on voit les choses comme elles sont, cruement en plein cafard ce soir je les vois tel quel». Il raconte le passage de deux coloniaux blessés avec qui il a partagé des conserves, «et pour ouvrir les boîtes de “singe” ils ont comme l'ont fait toujours sorti leur baïonnette elles étaient pleines de sang. Ils ont fourré cela dans la boîte et ils étaient étonnés que plusieurs aient refusé d'en manger. [...] Au revoir mon Janot très chéri. J'espère avoir des belles lettres de toi demain où tu ne me parleras pas de mes horreurs mais de ta vie à toi dans notre vieux Paris. Millions de baisers partout.»
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