PROUST Marcel (1871-1922)

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PROUST Marcel (1871-1922)
L.A.S. «Marcel Proust», [9 avril 1918], à la Princesse Hélène SOUTZO ; 11 pages in-8. Très belle et longue lettre, évoquant les mondanités, la guerre, Céleste. Princesse Rendez-moi la justice que je ne figure pas au nombre, je n'ose pas dire des ennuyeux, mais des indiscrets qui vous ont poursuivie. [...] À cause de la maladie du mari de Céleste j'ai dîné au Ritz presque tous les deux jours. À personne, à aucun concierge, maître d'hôtel, chasseur, etc. je n'ai demandé où vous étiez». Il a fini par «demander à Lucien Daudet, qui voit constamment les Beaumont, où vous vous trouviez». Il est souvent invité en même temps que les Beaumont : «Un de ces nombreux dîners était chez Mme Scheikewitch et je regrette d'autant plus de n'y être pas allé que Monsieur votre frère s'y trouvait ! Je suis très curieux de ces transpositions dans un autre sexe d'un visage qu'on a aimé. J'aurais tant voulu connaître ainsi le jeune Benardaki qui est mort au commencement de la guerre et dont la sœur a été sans peut'être le savoir l'ivresse et le désespoir de mon enfance». Quant à la guerre, «je ne peux pas plus parler des espérances et des craintes qu'elle m'inspire qu'on ne peut parler des sentiments qu'on éprouve si profondément qu'on ne les distingue pas de soi-même. Elle est moins pour moi un objet (au sens philosophique du mot) qu'une substance interposée entre moi-même et les objets. Comme on aimait en Dieu, je vois dans la guerre. (Vous savez ces névralgies qu'on ne cesse pas de sentir pendant qu'on parle d'autre chose, même pendant qu'on dort.) Quant au canon et aux gothas, je vous avouerai que je n'y ai jamais pensé une seconde ; j'ai peur de choses beaucoup moins dangereuses - des souris par exemple - mais enfin n'ayant pas peur des bombardements et ignorant encore le chemin de ma cave (ce que les autres locataires ne me pardonnent pas) il y aurait affectation de ma part de feindre de les redouter. Malheureusement Céleste ressent de tout cela une impression nerveuse que je ne m'explique pas mais que je respecte et comme elle a un chez soi très confortable, je crains qu'elle ne me quitte». Il ne voudrait pas perdre Céleste, ni reprendre Céline Cottin... Mme Catusse avait offert à Proust «sa villa au-dessus de Nice», mais il a «préféré rester à Paris». Il décourage la princesse d'y revenir : «Je parle contre mon cœur - pour mon cœur aussi, davantage même. Car ma joie de vous voir ne sera pas si grande que ma crainte pour vous chaque fois qu'il y aura une alerte, et que le sentiment de votre inconfort»... Il termine en évoquant avec humour une lettre de Paul MORAND : «Je ne pense pas que Napoléon ait jamais parlé sur un ton plus bref»
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