La Revue
47^e Vente Peintres d'Asie - Présentation en avant-première d'une sélection d'œuvres inédites avant la vente du 13 mai 2025 à 14h30


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Lors de sa 47^e vacation dédiée à l’art moderne asiatique, Aguttes présentera des œuvres inédites des peintres vietnamiens Lương Xuân Nhị, Mai Trung Thứ, Lê Phổ, Lê Quốc Lộc..., mais aussi un rare portrait par leur premier directeur Victor Tardieu, ou encore une intéressante encre de l’artiste chinois Sanyu.

Le catalogue, qui sera publié le 25 avril, décrira 30 à 40 lots exclusivement liés à l’art moderne asiatique. S’il est encore ouvert, voici en avant-première un aperçu de quelques œuvres remarquables inédites qui le composeront.
 

Victor Tardieu portraitiste

Victor Tardieu (1870-1937)
Portrait de femme,1912
Huile sur toile, signée et datée au milieu à droite
73 x 59,5 cm

PROVENANCE
Collection particulière, Ouest de la France (acquis au début des années 1980 et conservé depuis)

 

Celui qui deviendra en 1925, il y a tout juste 100 ans, le premier directeur de l’École des beaux-arts de l’Indochine, fut formé aux beaux-arts de Lyon, puis à l’Académie Julian et enfin aux beaux-arts de Paris. C’est un parcours riche qui inspire l’artiste lorsqu’il dresse, en 1912, le portrait de cette élégante. Il vit alors à Paris et a déjà le goût des voyages, notamment initié par le Premier Prix du Salon obtenu en 1902 qui lui a permis de voyager en Italie ou encore en Angleterre. Dans ce délicat portrait, il représente une femme vêtue élégamment : elle porte de la dentelle, une fourrure et un chapeau. Les tons sombres de ses vêtements et du fond contrastent avec son teint, lui-même mis en valeur et éclairé par la dentelle et le  tulle clair. Quelques années plus tard, il s’embarque pour Hanoï et devient l’un des acteurs majeurs du renouveau de l’art moderne en Indochine.



Lê Phổ, une œuvre marquée par la Renaissance italienne 


Lê Phổ (1907-2001)
Le bain, circa 1938
Encre, gouache et couleurs sur soie, signée en haut à gauche
61 x 45,5 cm

PROVENANCE
Collection particulière, Paris (acquis vers 1938 et transmis par descendance depuis)
 

L’artiste Lê Phổ, formé au sein de l’École des beaux-arts à Hanoï, découvre une première fois la France en 1931, lorsque Victor Tardieu le choisit comme assistant pour l’Exposition coloniale  à Vincennes. Le jeune diplomé profite de ce séjour pour voyager en Europe – notamment en Italie où il est subjugué par les primitifs et la Renaissance italienne – avant de retourner en 1932 enseigner en Indochine. C’est en 1937 que Lê Phổ revient à Paris. Il  représente son maître Victor Tardieu, souffrant, en tant que directeur artistique de la section « Indochine » de l’Exposition universelle installée sur l’île aux Cygnes. Il ne retournera plus au Vietnam.



Ill. 1. Raphaël (1483-1520)
La Vierge au chardonneret
Huile sur toile
Galerie des Offices, Florence ©Uffizi


L’œuvre Le bain est peinte vers 1938. Dans cette délicate soie, il représente une mère qui sèche son enfant après une baignade, tandis qu’en arrière-plan, une jeune femme lave un drap dans le cours d’eau. Lê Phổ transpose sur soie les leçons de la Renaissance italienne auxquelles il s’est confronté quelques années plus tôt : un jeu de diagonales organise l’espace entre l’eau et la terre. Lê Phổ retient également la leçon de la composition pyramidale, notamment très utilisée par Raphaël pour ses Vierges à l’enfant (ill. 1). C’est à ce motif de la Vierge à l’enfant que Lê Phổ fait référence avec Le bain : l’œuvre peut, par exemple, être rapprochée de la Vierge à l’Enfant du Pérugin, peinte dans les années 1515 (ill. 2). La Vierge se tient droite et le Christ est debout dans une position en contrapposto, nu, tout comme l’enfant dans la soie de Lê Phổ. Une attention particulière est portée au traitement des drapés des linges qui entourent l’enfant. Ce dernier réutilise la couleur rouge propre au vêtement de la Vierge et le travail délicat des drapés.



Ill. 2. Le Pérugin (1450-1524)
Vierge à l'Enfant
Huile sur toile
Galerie Borghese ©Galleria Borghese




Lương Xuân Nhị : peindre le Vietnam rural


Lương Xuân Nhị
Deux jeunes filles vendent du thé, automne 1936
Encre et couleurs sur soie, signée en bas à droite, contresignée, datée et titrée en haut à gauche
Dans son cadre d'origine
49,5 x 40,5 cm à vue

 

PROVENANCE
Collection particulière, Hanoï puis France (acheté au Vietnam entre 1936 et 1938)
Collection particulière, France (par descendance)

 

Typique des soies présentées par la Sadeai à Hanoï au milieu des années 1930, cette composition sur soie fut conservée depuis 90 ans dans la même famille et nous parvient dans son cadre d’origine.

Lorsqu’il peint cette œuvre datée d’automne 1936, Lương Xuân Nhị est en train de terminer ses études à l’École des beaux-arts de l’Indochine. Il représente deux jeunes filles qui vendent du thé, assises par terre. L’une manipule un bol contenant des feuilles de thé tandis que l’autre est assise derrière.

Lương Xuân Nhị fait le choix, dès le début de sa carrière, de représenter le Vietnam rural. Ainsi, le sujet apparaît comme traditionnel, tandis que la technique est moderne puisque l’artiste mélange des techniques chinoises, vietnamiennes et occidentales en utilisant une gamme chromatique douce et sobre. Cette œuvre peut ainsi être rapprochée de L’Atelier de Broderie : la délicatesse du choix du sujet, des tonalités et de la technique sont très proches.




Lương Xuân Nhị (1914-2006),
L’Atelier de broderie
Vente [20] Aguttes, 12 avril 2019, lot 9



Mai Trung Thứ et Phạm Văn Kỳ : un ensemble de six encres de provenance royale


Le duc et la duchesse de Windsor dans leur hôtel particulier parisien du 16^e arrondissement
©Photo by Horst P. Horst/Condé Nast via Getty Images


C’est une provenance royale qui est avérée pour ces six encres, jadis dans la collection personnelle du Duc et de la Duchesse de Windsor. En effet, Édouard VIII, roi d'Angleterre et empereur des Indes, abdiqua en 1936 par amour pour celle qui deviendra son épouse, Wallis Simpson. Le couple, prenant alors le titre de Duc et de la Duchesse de Windsor, s’installa par la suite à Neuilly-sur-Seine.




Mai Trung Thứ (1906-1980)
Six encre et couleurs sur soie, signées et datées
Dans leurs cadres d'origine réalisés par l'artiste

PROVENANCE
Collection de LL. AA. RR. le Duc et la Duchesse de Windsor
Collection particulière, France (offert par les précédents et détenu depuis plus de 40 ans)

Si ces six petites encres et couleurs sur soies n’ont jamais été présentée sur le marché depuis leur entrée dans la collection du couple illustre, leur sujet est connu car elles avaient été choisies par l’artiste pour illustrer l’édition de 1961 de Poème sur soie, écrit par Phạm Văn Kỳ. Un clin d’œil en hommage à la collection royale détenant les originaux…



Lê Quốc Lộc et le mouvement Art déco

Lê Quốc Lộc (1918-1987)
Bananiers au bord du fleuve Rouge, 1943
Laque à rehauts d'or, signé et daté en bas à droite, paravent en six panneaux
99,5 x 196 cm

PROVENANCE
Collection particulière, Saigon (acquis avant 1946 et rapatrié alors en France)
Collection particulière, France, (transmis par descendance du précèdent)



L’un des fers de lance de l’École des beaux-arts se révèle dans ses travaux et recherches sur l’art de la laque. L’artiste Lê Quốc Lộc se forme dans la section dédiée de l’établissement au sein de la Promotion XII (1938-1943).

Lorsqu’il réalise notre paravent, en 1943, Lê Quốc Lộc vient de terminer sa formation et il fait déjà part de son attrait pour les arts décoratifs. La composition témoigne des influences de style Art déco qui circulent beaucoup à Hanoï, notamment avec la décoration des intérieurs des grands bateaux de croisière. Le travail de Jean Dunand (1877-1942) peut être cité comme influence, avec de grandes commandes sur laque comme par exemple, le panneau illustré ci-contre et conservé au Musée des arts décoratifs, qui décorait le fumoir de la première classe du paquebot Normandie.

Chez Lê Quốc Lộc nous retrouvons ces formes simplifiées, aplats et rehauts d’or, témoignage d’un vrai dialogue artistique entre Paris et Hanoï.

Jean Dunand (1877-1941), Panneau décoratif qui faisait partie de l’ensemble La Chasse situé dans le fumoir de première classe du paquebot Normandie, 1935, Ciment sculpté, laqué et doré
©Photographe Jean-Claude LEMEE/ Ecomusée de Saint Nazaire.
Copyright, ADAGP, Paris, 2008

Fumoir de la première classe du paquebot Normandie, au fond l’ensemble réalisé par Jean Dunand, 1935



Mai Trung Thứ, un artiste prolifique


Mai Trung Thứ (1906-1980)
La coiffure, 1953
Encre et couleurs sur soie, signée et datée en haut à gauche
Dans son cadre d'origine réalisé par l'artiste
26 x 26 cm

EXPOSITION
5-16 novembre 1954, "Peintures sur soie de Mai-Thu", Chambre de commerce, Mâcon

PROVENANCE
Collection particulière, France



Mai Trung Thứ (1906-1980)
Enfants au jardin, 1954
Encre et couleurs sur soie, signée et datée en bas à gauche
Dans le cadre d'origine réalisé par l'artiste
19 x 16,4 cm

PROVENANCE
Collection Louis Combaud, Macon (offert par l'artiste, ami de la famille)
Collection particulière, France (par transmission du précédent)

EXPOSITION
5-16 novembre 1954, "Peintures sur soie de Mai-Thu", Chambre de commerce, Mâcon



L’année 1954 est une année riche pour Mai Trung Thứ puisqu’il participe à trois expositions. Une première à Paris à la galerie de l’Institut où il présente soixante œuvres (26 mars – 8 avril). Ensuite, le travail de l’artiste est exposé à la Chambre de commerce de Mâcon, du 5 au 16 novembre. Cette riche année se clôture pour Mai Trung Thứ avec l’exposition « Peintures sur soie de Mai-Thu » qui a lieu à la galerie Bellecour à Lyon, du 20 novembre au 4 décembre.



Mai Trung Thứ à Mâcon

C’est à l’occasion de l’exposition qui se tient en novembre à Mâcon que La coiffure et Les enfants au jardin sont exposés. Une photographie d’archive  très intéressante nous permet d’ailleurs de voir l’artiste posant alors, sur le mur se distinguent ces deux œuvres. Cet événement, largement relayé dans la presse locale, connaît un succès important, comme en témoigne par exemple cet extrait du Progrès du Dimanche  :

"À Mâcon, si l'on a coutume de voir les belles œuvres des artistes régionaux, l'on n'est pas habitué à voir celles des fils des empires orientaux."

Mai Trung Thu n’expose pas à Mâcon par hasard. Son passage dans cette ville entre 1941 et 1943, pendant la Seconde Guerre mondiale, lui avait permis en effet de nouer de fortes attaches avec cette ville et ses habitants. Il revient donc exposer à la Chambre de commerce où des expositions ont régulièrement lieu. José Mingret (1880-1969), peintre local, dira à propos de Mai Trung Thu  :

"Dernièrement mon camarade Mai-Thu, Vietnamien de grand talent, à fait à Mâcon une exposition que je considère tout à fait remarquable, pour la science du dessin, la subtilité des coloris et le grand esprit qui règne dans la composition."




Exposition à la Chambre de commerce de Mâcon en 1954 ©Archives Mai-Thu
Affiche pour l’exposition de peintures sur soie à l’hôtel de la Chambre de commerce de Mâcon, 1954,
Collection particulière ©DR



De provenances différentes, il est émouvant de réunir aujourd’hui, 71 ans plus tard, chacune de ces deux œuvres, La coiffure et Les enfants au jardin.



Michel Habart, l’un des premiers collectionneurs du chinois Sanyu
 

Sanyu (1895-1966)
Femme assise
Encre sur papier, signée en bas à droite
44,5 x 27,5 cm

PROVENANCE
Collection Michel Habart
Collection particulière, Paris (par transmission familiale)