La Revue
GÉRARD SCHNEIDER : PEINTURE ET SYNESTHÉSIE






Gérard Schneider, né en 1896 à Sainte-Croix et mort en 1986 à Paris est un peintre Suisse, naturalisé français en 1946. Rattaché au courant de l’abstraction lyrique et proche des cercles surréalistes, il fait partie des pionniers de l’abstraction en Europe.

Ami sincère de Georges Mathieu, Hans Hartung et Pierre Soulages, son travail s’exporte rapidement à l’international au côté des leurs et il enchaîne dès 1950 les expositions dans des galeries plus prestigieuses les unes que les autres. A la manière de ces derniers, il amène le tournant vers une nouvelle abstraction en France, assimilant les principes esthétiques portés par la peinture de Kandinsky tout en détachant cette dernière de toute référence au monde réel perceptible. Il expérimente une peinture esthétique et radicale dont l’énergie renouvelée marque le tournant d’après-guerre.

Dès les années 1960, ses compostions prennent une forme plus colorée, et définitivement calligraphique. Plus optimiste, son travail revêt un aspect plus mature. Mélangeant forme, couleur et espace en une pratique humaine et sensible, Gérard Schneider est un peintre aux qualités aussi plurielles qu’évidentes.

La musique est un des éléments fondamentaux structurant les toiles de Gérard Schneider. Les traits noirs barrant ses compositions évoquent une partition, un lyrisme, réel ou imaginaire, qui guiderait la main de l’artiste dans l’élaboration du tableau. Les diverses taches colorées sont tout autant de perturbations, de variations de celle-ci, des éléments uniques qui viennent embellir le morceau. La peinture de Schneider est automatique, physique, c’est le pinceau, la toile, et les éléments extérieurs qui guident son esprit et non l’inverse. Loin de chercher à maîtriser sa peinture, il s’adonne à une certaine forme de lâcher prise.





Gérard Schneider (1896-1986)
Opus 86 K, 1974
Acrylique sur toile, signée et datée en bas à droite, titrée au dos
65 x 81 cm
Provenance
Vente VAEP Marie-Françoise Robert-Franck Baille, Drouot Richelieu, 27/11/2006, lot n°53, 
Collection privée, région parisienne

 


La toile Opus 86, de 1974, aux dominantes bleues, jaunes et magenta, aussi équilibrée qu’élégante, illustre le travail de recherche de Schneider d’un esthétisme abstrait et poétique. Nommée Opus 86k par l’artiste, son titre même évoque le monde musical. La liberté du geste de l’artiste est alors totale, et se traduit par un éclatement des couleurs sur la toile.




Gérard Schneider (1896-1986)
Sans titre, 1971
Acrylique sur papier marouflé sur toile, signée et datée en bas à droite
Acrylic on paper mounted on canvas, signed and dated lower right
50 x 65 cm -19 5/8 x 25 5/8 in.
Cette oeuvre figure sous le numéro GS-P-71-025 du catalogue raisonné de l'oeuvre peint de Gérard Schneider.
Provenance
Collection privée, Paris





De la même manière, cette acrylique sur papier de 1971 aux dominantes de rouge et de bleu marine évoque une recherche de musicalité, d’équilibre et de spontanéité. Selon Schneider : « Il faut voir la peinture abstraite comme on écoute la musique, sentir l'intériorité émotionnelle de l'œuvre sans lui chercher une identification avec une représentation figurative quelconque. Ce qui est important, ce n'est donc pas de voir l'abstrait, c'est de le sentir. […] ». Cette toile démontre de toute la sincérité et la candeur de la démarche esthétique de Schneider, en une composition à la fois tempétueuse et harmonieuse. Les coups de pinceau, témoins de l’état intérieur du peintre, retranscrivent son tumulte interne en une symphonie colorée : « J'assimilerai cette démarche a l'improvisation musicale : quand je fais du piano pendant plusieurs heures, il m'arrive d'improviser en fonction d'un état psychologique précis ; en peinture quand je prends une brosse ou un pinceau, une mécanique de création se déclenche et ma main vient porter un signe, préciser une forme, qui dépend de mon état intérieur ; c'est une improvisation, une création spontanée. »

Ces deux toiles jouent sur le principe de couleurs complémentaires, alternant les teintes chaudes et froides, contrastant la toile en un enchainement de courbes et contrecourbes éclatantes. Ce travail confère aux toiles de Gérard Schneider une exceptionnelle intensité, captivant immédiatement le regard.

C’est finalement une synesthésie des sens que Schneider propose à travers son travail. En utilisant l’abstraction comme vecteur d’émotions, et en créant de manière automatique et spontanée. C’est une partition musicale qui se dévoile sous forme de peinture : un mélange des formes et de couleurs dont l’enchainement est une musique, brouillant invariablement la perception sensorielle du spectateur.










ART CONTEMPORAIN

Vente aux enchères
6 avril 2023
Aguttes Neuilly

Directeur et expert du département Art contemporain
Ophélie Guillerot
+33 1 47 45 93 02
 • guillerot@aguttes.com