La Revue
VENTE MAÎTRES ANCIENS DU 6 DÉCEMBRE





 
Le 6 décembre 2022, Aguttes orchestre à Neuilly-sur-Seine sa troisième et dernière vente « Maîtres anciens » de l’année. Près de 80% des 111 lots présentés sont inédits sur le marché de l’art. Ce catalogue met en lumière, au travers des nombreuses découvertes et attributions, le travail du département « Maîtres anciens », qui participe pleinement à la recherche en Histoire de l’Art.


 
Un modello de Jean-Baptiste Marie Pierre, dernier témoin d’un plafond disparu
 
Directeur de l’Académie, peintre de cour, Premier peintre du Roi, proche d’influentes personnalités, Jean-Baptiste Marie Pierre (Paris, 1714 - 1789) a réalisé cette esquisse (lot 54) probablement pour la demeure d’un commanditaire royal ou tout du moins, proche du pouvoir. Tout comme sur le plafond du Salon d’Hercule à Versailles (1733 - 1736) réalisé par Lemoyne (1688 - 1737), l’esquisse du Triomphe de Diane, déesse de la chasse conçue par de Jean-Baptiste Marie s’ordonne autour du carré que délimite la forme de la pièce tandis que la divinité à l’honneur fait une percée vers le milieu, présentée sous un dais. Toujours dans le même esprit, le peintre cherche à intégrer le plus naturellement sa composition au lieu, en prolongeant l’architecture du bâtiment par des éléments feints sur lesquels se reposent les figures.

Estimé 80 000 – 100 000 €, ce modello dévoile une touche, naturellement plus enlevée que dans la version finale, que l’on ne connaît plus aujourd’hui. Quoique modestement, Pierre rivalise, dans le présent format sur toile, avec les grands fresquistes italiens qui très tôt, l’avaient fasciné.



Lot 54
Jean-Baptiste Marie Pierre

Paris, 1714 - 1789
Le Triomphe de Diane, déesse de la chasse, esquisse
Huile sur toile
72 x 82 cm
Estimation : 80 000 - 100 000€
PROVENANCE

M. Roggero, compositeur, composer, claveciniste et professeur de musique, Rue du Petit-Versailles, Toulouse, à partir de 1781 ; France, Collection privée jusqu’en 2013 ; France, Collection privée.
EXPOSITION

Toulouse, Le Capitole, Salon de l’Académie royale de Toulouse, from 19 May 1781, no 76.
BIBLIOGRAPHIE
Catalogue des Tableaux et autres Ouvrages relatifs aux Beaux-Arts, Dont on a formé le Salon de Peinture, dans une des Salles du Capitole, Toulouse, 1781, no 76. R. Mesuret, Les Expositions de l’Académie Royale de Toulouse de 1751 0 1791 : Livrets publiés et annotés, Toulouse, 1972, p. 383, n° 4118. P. Sanchez, Dictionnaire des artistes exposant dans les salons des XVII et XVIIIe siècles à Paris et en province, Dijon, 2004, III, p. 1369. Nicolas Lesur et Olivier Aaron, Jean-Baptiste-Marie Pierre, 1714 - 1789 : Premier peintre du roi, Paris, 2009, no *P.267, Le Repos de Diane et des nymphes.

La plupart des réalisations de l’artiste ont été détruites au fil du temps, et ne demeurent comme témoins, à l’exception d’une, que des modelli. Les esquisses préparatoires, traditionnellement présentées au commanditaire avant l’exécution finale, nous permettent d’en deviner l’envergure et la force et de mieux comprendre la peinture de plafond au XVIIIe siècle en France. Certains de ses projets réapparaissent ponctuellement sur le marché à l’instar d’un Projet de plafond avec le char d’Apollon, l’Aurore et les allégories des saisons (Aguttes, Paris, 16 septembre 2018, n° 55), une Apothéose de Psyché (Maastricht – Pays-Bas – Tefaf, 2022) ou encore l’esquisse présentée aux enchères le 6 décembre 2022 chez Aguttes.


 
Sassoferrato inspiré par Guido Reni (1575-1642)


​Lot 36
Giovanni Battista Salvi, dit Sassoferrato

Rome, 1609 - 1685
Madone de tendresse
Huile sur toile
49 x 39 cm
Estimation : 30 000  -  40 000 euros

Artiste qui observe et admire les maîtres qui l’ont précédé, Giovanni Battista Salvi, dit Sassoferrato (Rome, 1609 – 1685) s’inspire de leur souffle pour trouver le sien. S’il a pu tantôt le trouver chez Albrecht Dürer (1471-1528) ou Pierre Mignard (1612-1695), il s’inspire ici de Guido Reni (1575-1642). Le modèle de cette huile sur toile (lot 36) estimée 30 000 – 40 000 € a sans doute été une gravure, réalisée par ou d’après le maître bolonais, à l’instar de l’exemplaire conservé par le musée d’Art et d’Histoire de Genève et gravé par Bartolomeo Coriolano (c. 1590/1599-1646). Datée des environs de 1630-1631, l’un des tirages se sera retrouvé dans l’atelier du maître romain.

Plébiscité pour ses figures mariales dont l’image incarnait tout à la fois le sentiment pieux et la maîtrise de la peinture, Sassoferrato réalisa environ une trentaine de versions, dont une conservée à la Wallace Collection de Londres, une au musée Bonnat-Helleu de Bayonne et celle présentée le 6 décembre 2022 chez Aguttes. Présentant une Vierge assise de face, tenant sur ses genoux son bébé endormi, Sassoferrato rompt ici la frontalité de la composition par l’inclinaison de têtes, le délassement du corps de l’enfant dormant mais aussi l’enchevêtrement d’épais drapés qui apportent de la rondeur à l’ensemble. Il humanise les deux figures divines, tout en réalisant une composition, véritable invitation à entrer aisément en Adoration.


 
Thomas de Keyser (1596 – 1667), portraitiste le plus renommé à Amsterdam


Lot 10
Thomas de Keyser

Amsterdam, 1596 - 1667
Portrait d'homme
Huile sur panneau
Monogrammé et daté en haut à gauche TDK 1637
27,5 x 21 cm
Estimation : 40 000 - 60 000 €

Fils d’Hendrick de Keyser, architecte et sculpteur amstellodamois, Thomas de Keyser entre très jeune dans l’atelier de son père et intègre la Guilde de Saint-Luc comme tailleur de pierre à l’âge de vingt-six ans. Dans les mêmes années, Hendrick meurt et son atelier est repris par l’un de ses fils, Pieter ; Thomas décide, à cette période, de se tourner vers la peinture, discipline qui révèle ses talents de portraitiste. Il devient le peintre le plus renommé du genre à Amsterdam et ce, pendant près de dix ans, avant que le jeune Rembrandt van Rijn (1606-1669) n’arrive et s’impose comme l’un des plus grands portraitistes de son époque. Excellant dans l’art du portrait d’apparat, Thomas de Keyser séduit par son habileté à exprimer tout à la fois la réserve et l’opulence mais aussi le hiératisme et l’élégance de ses modèles. Fermement éloigné de la grandiloquence d’un portrait d’apparat, ce Portrait d’homme (lot 10) se caractérise par sa simplicité : le peintre présente ici son modèle dans un cadrage intimiste, de format modeste. Pratique courante, cela pourrait suggérer qu’il s’agit là du portrait d’un ami ou d’un confrère. Habilement et malgré un format modeste, le peintre exprime tous ses talents de portraitiste dans la vérité des traits, la maîtrise des volumes et la franchise de la touche. Des camaïeux de bruns émergent les chaires lumineuses, qui donnent un véritable éclat au visage partagé entre lumière et obscurité.


Image inédite, Louis XIV



Lot 40
École française du milieu du XVIIe siècle

Portrait de Louis XIV à l’occasion de la Grande Cavalcade de 1656
Huile sur toile ovale
Vers 1656
68 x 55 cm
Estimation : 15 000 - 20 000 €
BIBLIOGRAPHIE
Marie-Christine MOINE, Les fêtes à la cour du Roi Soleil : 1653-1715, Fernand Lanore/François Sorlot, « Reflets de l'Histoire », 1984, 256 p.
Jacques VANUXEM, « Des fêtes de Louis XIV au baroque allemand », in Cahier de l’Association internationale des études françaises, 1957, n°9.

Image inédite (lot 40), Louis XIV est présenté, sur cette toile estimée 15 000 – 20 000 €, pour l’une des toutes premières fois en souverain éclatant. À l’aube de sa grandeur, le roi paraît richement vêtu d’un costume fait de joyaux incrustés dans un brocart, agrémentés de lambrequins d’où ressortent les manches amples d’une chemise souple. Son chef lui, arbore un casque d’argent à feuillages d’or orné de larges plumes blanches. Offert à l’un des vainqueurs de la Cavalcade, le jeune Louis se présente déjà comme un souverain attentif à l’image qu’il diffuse. Proche de l’iconographie d’Apollon, il se place déjà parmi le Panthéon.

Les images de Louis XIV, créées par l’imaginaire collectif, ont toutes en commun une idée de grandeur et d’idéal. Or, quelle autre grandeur que celle de l’empire romain. Sans doute est-ce pour cette raison que Louis XIV a souvent été portraituré en habit romain et ce dès l’âge de 8 ans. Par ailleurs, outre l’idée d’une grandeur et d’un prestige assumé, le costume était un élément important de la cour du Roi soleil en raison des nombreuses fêtes organisées. Ainsi, ce portrait témoigne de ce qu’il pouvait porter lors d’un évènement public.


 
Ange-Joseph Antoine Roux (1765 – 1838), l’un des portraitistes de navires les plus prisés

     

Lot 72
Ange-Joseph Antoine Roux

Marseille, 1765 - 1838
Vue sur le Vieux-Port de Marseille depuis Saint-Victor ;
Vue sur le Vieux-Port de Marseille et le fort Saint-Jean

Aquarelles (paire)
Signé et daté en bas à gauche Antoine Roux Marseille 1801 ; Double signé et daté en bas à droite Ant. Roux Marseille 1801
58 x 86,5 cm (chaque)
Estimation : 18 000 - 20 000 €

Issu d’une dynastie de peintres de marines et d’hydrographes, Ange-Joseph Antoine Roux, qui a réalisé ces deux vues sur le Vieux-Port de Marseille (lot 72), apparaît sans doute comme le plus doué parmi les siens. À Endoume, petit village de pêcheurs où il passe sa jeunesse, il croque les côtes marseillaises ainsi que les navires qui s’y arrêtent, et il s’attarde autant sur une anecdote qu’un voilier. Hydrographe, tout comme son père Joseph Roux (1725-1789) qui exerçait ce métier auprès du Roi, il rend un traitement quasi documentaire des lieux qu’il dépeint. Antoine Roux commence à travailler tôt avec son père, dont la boutique se situe sur le vieux Port. Ses multiples dessins témoignent de ce à quoi pouvait ressembler le port de Marseille au XVIIIe siècle. Ainsi posté à l’embouchure d’une rue ou d’escalier se jetant dans la rade, Antoine Roux nous amène directement dans le quotidien des habitants, où la scène de genre côtoie le paysage et la marine, bien que le personnage principal reste bien Marseille. L’une des scènes nous présente le port depuis la Place Saint-Victor, la seconde offre une vue plus rapprochée du Fort Saint Jean sommé par la tour du Fanal, monument emblématique édifié en 1644. Antoine Roux apparaît, par ailleurs, comme le créateur d’un nouveau genre, les portraits de navires, et il en devient l’un des portraitistes les plus prisés. Dès la fin du XVIIIe siècle, les commandes se multiplient et nombre de navigateurs, marins et corsaires s’arrêtent à Marseille et le sollicitent. Pour les marins rescapés de leurs infortunes en mer, il se met également à réaliser des ex-voto.


 
Aguttes, découvreur d’œuvres d’art inédites

Avec plus de 80% de lots inédits dans ce catalogue, le département « Maîtres anciens » d’Aguttes montre, une fois encore, comment le marché de l’art participe activement à la recherche et vient enrichir l’histoire de l’art. Grégoire Lacroix, directeur du département « Maîtres anciens » souligne que l'essentiel des découvertes figurent dans la collection de dessins « L’inspiration en quatre siècle », présentée dans la dernière partie du catalogue (à partir du lot 84). Y figurent une œuvre sur papier d’Eugène Delacroix estimée 8 000 – 10 000 € (lot 98), un dessin de Jean-Pierre Houël avec une estimation de 800 – 1200 € (lot 95) et huit aquarelles d’Eugène Lami (lots 102-109) avec une fourchette d’estimations basses entre 300 et 600 €.



Lot 80
Charles Thévenin Paris (1764 - 1838)

Portrait du graveur André-Benoît Barreau-Taurel (1794-1859)
Huile sur toile
65 x 53,5 cm
Estimation : 5000 - 7000 €

 
Par ailleurs, Grégoire Lacroix a attribué plusieurs de ses découvertes, notamment Le frappement du rocher par Moïse, peinture attribuée à Henri Lehman (lot 83) avec une estimation de 12 000 – 15 000 €, et un portrait (lot 80) estimé 5 000 – 7 000 €. Non seulement il a attribué à Charles Thévenin cette huile sur toile mais il a également identifié l’homme représenté comme étant le gendre du portraitiste, le graveur André-Benoît Barreau-Taurel, Prix de Rome de gravure. Tous deux amis d'Ingres, le beau-père et le gendre ont résidé à la villa Médicis.







MAÎTRES ANCIENS

Vente aux enchères
Le mardi 6 décembre 2022 à 15h
Aguttes Neuilly

 
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Directeur du département Tableaux & Dessins anciens
Grégoire Lacroix
+33 1 47 45 08 19 • lacroix@aguttes.com