Leader historique sur le marché des artistes venus d’Asie, Aguttes a vendu près de 84% des lots et enregistré un nouveau record, au cours de sa 46^e vente dédiée à l'art moderne asiatique le 18 février 2025 à Neuilly-sur-Seine.

 « Depuis 2014, Aguttes s’attache à mettre en lumière les travaux des élèves de l’École des beaux-arts de l’Indochine, dont Lê Văn Đệ est issu. Alors qu’en 2011, l’artiste était méconnu, nous avions présenté en vente l’oeuvre Femme au chemisier transparent à deux reprises, sans succès à 2000 euros. L’éclairage récent que nous avons apporté depuis au parcours du peintre a permis d’enregistrer pour cette même œuvre un résultat 100 fois supérieur, 14 années plus tard, soit 203 180 euros. Je me réjouis de la confiance que nous a renouvelée en 2025 son propriétaire historique lorsqu’il nous a chargé de la vente du tableau qu’il avait conservé. Les collectionneurs ont démontré mardi 18 février, par leurs enchères, leur exigence pour des œuvres réunissant pedigree, signature et datation. »
— Charlotte Aguttes-Reynier, expert



Femme au chemisier transparent de Lê Văn Đệ (1906-1966), le clou de la vente

Une huile sur papier de Lê Văn Đệ a décroché la plus belle enchère de cette 46e vacation dédiée aux peintres venus d’Asie. Femme au chemisier transparent (lot 14) a ainsi quadruplé son estimation haute et marqué 203 180 €.
 

Élève de la promotion I de l’École des beaux-arts de l’Indochine, Lê Văn Đệ en sortit diplômé en 1930, major ex-aequo de la section peinture. Talentueux, il obtient une bourse pour se rendre à Paris à l’Exposition coloniale de 1931. En 1932, il intègre l’atelier de Jean-Pierre Laurens à l’École des beaux-arts de Paris pour parfaire sa formation. C’est alors qu’il réalise cette huile sur papier marouflée sur toile, datée du 3 janvier 1932. La jeune femme, probablement une camarade de classe, est vêtue, coiffée et maquillée à la mode parisienne des années trente. Ici, l’artiste fait le choix d’aplats de couleurs et d’une touche visible. Les années qui suivent, Lê Văn Đệ voyage en Europe et s’installe en Italie où il rencontre un certain succès. Lorsqu’il retourne en Indochine en 1939, la Samipic (Société d’amélioration intellectuelle et physique des indigènes de Cochinchine) l’accueille par un bel événement organisé en son honneur.



Mai Trung Thứ, tête d’affiche

Deux œuvres de format moyen par Mai Trung Thứ (1906-1980), Grand-mère (lot 15), et L'aïeul (lot 18), sont arrivées ex aequo à 78 720€, et ont ainsi totalisé 157 440 €.


Lot 18 - Mai trung Thứ (1906-1980)
L'aïeul, 1958
Encre et couleurs sur soie, signée et datée en bas à gauche, titrée au dos.
Dans le cadre d'origine réalisé par l'artiste.
20 x 36 cm

EXPOSITION
2024, Le renouveau de l'art moderne en Indochine, Aguttes, Neuilly-sur-Seine (octobre 2024)

BIBLIOGRAPHIE
Charlotte Aguttes-Reynier, Le renouveau de l'art moderne en Indochine, 25 artistes - 52 œuvres.
Association des artistes d'Asie à Paris, 2024, repr. p. 55.

PROVENANCE
Collection particulière, Provence ; Collection particulière, Provence (transmis par descendance)


Ces deux délicates encres et couleurs sur soie mettent en avant l’un des sujets de prédilection de l’artiste : les liens intergénérationnels. Dans L'aïeul, le grand-père, guide spirituel, fait la lecture à quatre enfants attentifs. L’une comme l’autre sont présentées dans un cadre réalisé par l’artiste.

 

Nature morte de Lương Xuân Nhị

65 600€ ont récompensé l’artiste Lương Xuân Nhị (lot 12).


Lot 12 - Lương Xuân Nhị  (1914-2006)
Bouquet de fleurs de lys
Huile sur toile, signée en bas à gauche
61 x 46 cm

PROVENANCE
Collection particulière, France (par descendance en 1951 puis en 1996)


Un certain réalisme toujours empreint de poésie et l’utilisation de couleurs douces caractérisent le travail de ce dernier. Ici, il fait le choix de tonalités bleues, vertes et marrons sur lesquelles le blanc des lys ressort. Genre occidental, qui se développe à la Renaissance et qui devient un genre pictural à part entière au XVIIe siècle, la nature-morte va intéresser les artistes de l’École des beaux-arts de l’Indochine, comme en témoignent ces lys. Ainsi, ce bouquet présenté dans un vase constitue le sujet principal de cette œuvre de Lương Xuân Nhị. Une lumière douce baigne l’ensemble de la composition, dans cet intérieur à la décoration vietnamienne.



La femme célébrée

L’École des beaux-arts de l’Indochine célébrait la femme comme en témoignent un panneau d’Alix Aymé (lot 19), qui changeait de main à 40 000 €, ou encore une sculpture d’Évariste Jonchère (lot 20), qui a marqué 32 800 €.


Lot 19 - Alix Aymé (1894-1989)
Jeune femme pensive, circa 1940-1945
Laque à rehauts d'or et d'argent, un panneau, signée en bas à droite
46 x 36 cm

EXPOSITION
2024, Le renouveau de l'art moderne en Indochine, Aguttes, Neuilly-sur-Seine (octobre 2024)

BIBLIOGRAPHIE
Charlotte Aguttes-Reynier, Le renouveau de l'art moderne en Indochine, 25 artistes - 52 œuvres.
Association des artistes d'Asie à Paris, 2024, repr. p. 14.

PROVENANCE
Collection particulière, Sud-Est de la France


Jeune femme pensive témoigne de toute la maî­trise de l'art de la laque par Alix Aymé. En effet, à partir de 1935, l’artiste enseigne à Hanoï à l'École des beaux-arts de l'Indochine, où elle développe rapidement l’apprentissage de cette technique au côté de Joseph Inguimberty. Les aplats de couleurs caractéristiques et son aspect très décoratif font écho aux travaux des nabis, qu'Alix Aymé, élève de Maurice Denis, connaît bien.

Lot 20 - Évariste Jonchère (1892-1956)
Jeune Laotienne
Bronze, patine brun nuancé/socle marbre rouge veiné
Tirage original posthume, Ed. 3 / 8, signé et marqué cire perdue Godard.
Hauteur de la tête : 33 cm
Hauteur totale : 49,5 cm

PROVENANCE
Vente Collignon-Laurent, Soissons, France, 23 février 2002, n° 153 Collection particulière, France

BIBLIOGRAPHIE
(Pour le bronze fondu à Biên Hòa en 1935) Roger Gain et Lucienne Jonchère Debiol, Évariste Jonchère, Paris, A. Biro, 1991, repr. p. 108


Évariste Jonchère, sculpteur-peintre, Premier Grand Prix de Rome, Prix d'Indochine, réalisa la sculpture originale Jeune laotienne, lors d’un séjour de deux mois au Laos, à Luang Prabang. De cette sculpture, un tirage en bronze est fondu à Biên Hòa, probablement en 1935 et sera exposé à diverses occasions tout au long du XX^e siècle en France, comme en 1935 et 1936, aux Salons de la France d'Outre-Mer ou
en 1956, au Salon des artistes français. Le sculpteur modèle ici ce visage doux de la jeune fille, parée d’un collier et d’une paire de boucles d’oreilles, ses longs cheveux attachés en chignon. Elle arbore une expression franche et directe. Le tirage présenté cette semaine est d’une fonte posthume : il est numéroté 3/8 et a été fondu à la cire perdue par la fonderie Godard. La fonderie Godard utilise cette technique de la fonte à la cire perdue à partir de la reprise des locaux de la fonderie Bisceglia en
1962.



Une histoire de transmission

Les générations suivantes des artistes formés au Vietnam ont continué à mettre à l’honneur la femme. Envolée à 59 040 €, Femmes aux lotus (lot 30) de Nguyễn Trung, devient le second record mondial pour l’artiste. Cette peinture illustre parfaitement la première période de sa production, figurative, datant du début des années soixante au milieu des années soixante-dix. Elle se caractérise par des représentations de figures féminines, aux traits simples, déli­cats et aux yeux immenses.


Lot 30 - Nguyễn Trung (né en 1940)
Femmes aux lotus, 1974
Huile sur toile, signée en bas à gauche
149,5 x 100 cm

PROVENANCE
Collection particulière, Paris, France


Né en 1940 au Vietnam, Nguyễn Trung se forme à l’École des Arts appliqués de Gia Đinh, et obtient son diplôme en 1962. Ensuite très actif sur la scène vietnamienne, il co-fonde en 1966 l’Association des Jeunes Artistes, un groupe d’avant-garde artistique à Saïgon.