FLAUBERT Gustave (1821 - 1880)

Lot 117
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FLAUBERT Gustave (1821 - 1880)
L.A., Mercredi soir [14 octobre 1846], à Louise COLET ; 4 pages in-4. Belle et longue lettre à Louise Colet, notamment sur son ami Maxime Du Camp. La première partie de la lettre est consacrée à un éloge de Maxime DU CAMP, tant sur le plan affectif que littéraire : «C'est une bonne belle et grande nature que j'ai devinée du premier jour [...] Il y a entre nous deux trop de points de contacts dans l'esprit et dans la constitution pour que nous nous manquions. [...] Aime le comme un frère que j'aurais à Paris. Fie toi à lui comme à moi et plus qu'à moi, même car il vaut mieux que moi. Il y a chez lui plus d'héroïsme et plus de délicatesse - la gentilhommerie de ses manières ne fait que sortir de celle de son coeur. Moi je suis plus grossier, plus commun, plus ondoyant. J'ai le fumet plus âcre. - Il ne faut pas en croire ce qu'il peut te dire de moi sous le rapport littéraire. M'aimant comme il m'aime il est partial sans doute. D'abord je suis un peu son maître. Je l'ai tiré de la bourbe du feuilleton où il serait maintenant enfoui pour le reste de sa vie [...] je lui ai inspiré l'amour des études sérieuses. Il a fait depuis deux ans de grands progrès. Il a maintenant un joli talent [...] c'est surtout le sentiment et le goût qui dominent en lui. Il attendrit, je connais une chose de lui que je ne peux pas lire sans larmes dans les yeux ; et avec toutes ces bonnes qualités il est modeste comme un enfant»... Puis Flaubert met en garde Louise contre les journalistes qui répandent des louanges sur lui et qui ne sont pas toujours sincères : «J'ai passé pour être tant de choses et on m'a trouvé des ressemblances avec tant de gens ! Depuis ceux qui ont dit que je m'étais rendu malade par l'abus des femmes, ou des plaisirs solitaires, jusqu'à ceux qui me disaient pour me flatter que je ressemblais au duc d'Orléans»... Il évoque ensuite le drame que Louise Colet est en train d'écrire (Madeleine, 1850), et espère pour elle et lui un triomphe. Depuis la mort de son père et de sa soeur, l'ambition et le succès l'indiffèrent ; il a reporté tous ses espoirs sur elle et la conseille dans son travail : «Serre ton style, fais un tissu souple comme de la soie et fort comme une cotte de mailles. Pardon de ces conseils mais je voudrais te donner tout ce que je désire pour moi». Il travaille actuellement à des choses qui l'ennuient et espère se remettre à écrire au printemps prochain : «Mais je recule toujours. Un sujet à traiter est pour moi comme une femme dont on est amoureux. Quand elle va vous céder on tremble et on a peur»... Il termine par une violente semonce contre les critiques : «C'est perdre son temps que de lire des critiques. Je me fais fort de soutenir dans une thèse qu'il n'y en a pas eu une de bonne depuis qu'on n'en fait - que ça ne sert à rien qu'à embêter les auteurs et à abrutir le public - et enfin qu'on fait de la critique quand on ne peut pas faire de l'art». Il regrette finalement que sa haine de la critique ne lui laisse plus de place pour embrasser son amie, mais, il lui envoie quand même «avec leur permission, mille grands baisers sur ton beau front et sur tes yeux si doux et ...» Correspondance (Pléiade), t. I, p. 388.
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