SAND George (1804-1876)

Lot 222
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Estimation :
2800 - 3000 EUR
SAND George (1804-1876)
MANUSCRIT autographe, Impressions et souvenirs n° 23. Dans les bois, 10 janvier 1873 ; 39 pages in-8. Sur Napoléon III qui vient de mourir. Napoléon III est mort le 8 janvier 1873. Le 10 janvier 1873 (cette date est portée en tête du manuscrit), Sand est allée se promener dans les bois ; elle note dans son Agenda : « Napoléon III est mort hier - dernière heure. Télégramme dans le journal ce matin ». Les feuilletons d'Impressions et souvenirs de Sand ont été publiés dans Le Temps à partir du 22 août 1871 ; le 22 premiers (jusqu'au 11 décembre 1872) parurent en recueil chez Michel Lévy en 1873. La suite des feuilletons du Temps, dont ce premier, « Dans les bois », fut publiée, avec quelques autres textes, dans le recueil posthume Dernières pages (Calmann-Lévy, 1877). Le manuscrit, à l'encre brune au recto des feuillets, présente de nombreuses ratures, lisibles sous la large biffure, et des additions interlinéaires. L'apostrophe finale est récrite sur un béquet, collé sur la version primitive (les toutes dernières lignes manquent). Le texte commence par une promenade dans les bois et une étude de botanique : « Le temps, toujours admirable, nous a permis de retourner dans les bois. J'étais curieux de définir la scabieuse, qui y fleurit encore en plein janvier. Et je ne l'ai pas définie. Elle offre des caractères qui ne s'accordent avec la description exacte d'aucune espèce enregistrée dans les nomenclatures, et, comme je n'ai pas la prétention d'en faire une espèce nouvelle, comme elle est probablement des plus vulgaires, je suis forcée d'attribuer les anomalies qu'elle me présente aux anomalies de la saison, qui lui procure une floraison intempestive »... Etc. Mais elle n'a pas pris la plume pour parler botanique ; dans sa promenade, elle a pensé à NAPOLÉON III qui vient de mourir, mais cet « homme funeste » n'existait plus depuis trois ans. Elle évoque sa correspondance avec le prisonnier de Ham, qu'elle retrouvera à l'Élysée : « j'ai été complètement abusée par lui et, ensuite, me croyant jouée, je n'ai plus voulu le revoir. [...] Mais j'ai continué à lui écrire quand j'espérais sauver une victime, à commenter ses réponses et à l'observer dans tous ses actes. Je me suis convaincu qu'il n'avait voulu jouer personne ; il jouait tout le monde et lui-même. Il croyait à ce qu'il disait [...] L'exercice du pouvoir absolu aidant, cette illusion de jouer à pile ou face avec les événements devint une monomanie, et le fatalisme tranquille et patient prit toutes les apparences d'une force et d'une habileté. L'habileté était nulle. L'homme était naïf sous son air contenu et réfléchi. Il ne posait pas comme son oncle. Il n'avait pas appris à se draper dans la toge antique. Il était petit, voûté, flétri, et ne cherchait point à paraître majestueux. [...] Homme à principes erronés, il gouverna une nation qui manquait de principes et qui mettait un idéal de prospérité romanesque à la place de la vraie civilisation, le succès et la chance à la place du droit et de la justice »... Elle évoque Victor HUGO lançant « ses anathèmes à Napoléon le petit. Mais le grand poëte romantique n'eut pas ici le sens suffisant de la réalité. Son chef-d'oeuvre restera comme un monument littéraire, il n'a pas de valeur historique. [...] Il s'est cru l'instrument de la Providence, il ne fut que celui du hasard. Le parti, d'abord minime et tout à coup immense, qui le porta au faîte du pouvoir ne fut même pas un parti [...] Ce fut un essaim d'aventuriers d'abord, et puis une réunion d'intéressés spéculant sur l'aventure, et puis l'engouement soudain des masses, dégoûtées d'une république en dissolution »... Etc. Et elle conclut ce portrait, « reconstruit en me promenant dans les bois », en républicaine : « je crois qu'il y aurait enfin à reconnaître que le meilleur des hommes peut être le plus funeste des souverains, que remettre les destinées de tous à un seul est l'acte le plus coupable et le plus insensé que puisse commettre un peuple civilisé. Ah ! nous sommes des Français du 19me siècle, et nous voulons encore nous payer “des enfants du miracle” : Henri V, le futur sauveur ; des “hommes du destin”, Napoléon le foudroyé ; des empereurs à mission, Napoléon le néfaste ! Continuons ! Après Waterloo et Sedan, il y a encore des abîmes [pour nous reposer de nos gloires, de nos splendeurs et de nos fêtes. Ces toutes dernières lignes manquent à la fin du manuscrit.] »
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