CÉLINE Louis-Ferdinand (1894-1961).

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CÉLINE Louis-Ferdinand (1894-1961).
7 L.A.S. « Destouches », [Prison de Copenhague] 2-13 juillet 1946, à Thorvald MIKKELSEN et à sa femme Lucette DESTOUCHES ; 2 pages in-4 chaque au crayon sur papier rose à en-tête de la prison Københavns Fængsler, Vestre Fœngsel. Importantes lettres de prison, en partie à sa femme, se justifiant des accusations portées contre lui. [Ces lettres sont en deux parties, l'une destinée à son avocat danois Mikkelsen, l'autre, plus intime, pour sa femme Lucette.] Lundi 2 juillet. Un diplomate de la Légation française désirant le voir, Céline accepte cette entrevue, mais en la présence de son avocat. Il possèderait « tout le dossier des reproches que la Justice française m'adresse. [...] J'en ai pour 1/4 heure à balayer tout cela, et en votre présence. En réalité il n'y a rien - que des bêtises interprétées par la sottise et le fanatisme. Je ne demande qu'à rentrer en France, vous le savez, je suis un super patriote français, un janséniste du patriotisme français, comme Chateaubriand était un puriste un absolutiste de la royauté. Je veux trop pur et trop beau, c'est mon seul crime »... Puis il s'adresse à sa femme : « C'est mon plus cher désir de m'expliquer devant les autorités de mon pays, mais pas à Fresnes ! »... Il dément avoir été l'ami de Jacques DORIOT : « Je l'ai rencontré 4 fois ou 5 fois en tout dans ma vie. Il n'était point bête et mon métier de médecin et de romancier est de connaître tout le monde. Les gens qui voulaient me tuer à Sigmaringen comme défaitiste étaient à Doriot ». Il précise aussi ses rapports avec Alphonse de Châteaubriant. « Des pets que tout cela, des sottises », à côté des articles de Guitry et Montherlant. « Si j'avais un peu insisté avec les Allemands ils m'expédiaient à Buchenwald. J'avais la réputation d'être anti-allemand - ce que je suis »... Mercredi 4 juillet. Un écho du Populaire l'inquiète beaucoup en annonçant sa prochaine extradition, c'est un « très fâcheux augure. C'est commode ! On me bâillonne, on me fourre en prison, on fait marcher la presse et les commérages, on invente, on fausse, on calomnie. Après quelques mois de ce travail l'extradition, la guillotine semblent tout naturels ! Alexandre Varenne ce cochon est à présent ministre. Si on me livre à la France je vais le réveiller un peu »... À sa femme : « cet écho du Populaire me bouleverse parce qu'il reproduit le genre de campagne que je connais bien : la préparation du mauvais coup. [...] C'est une main d'ombre et de haine qui ne vous lâche pas. Et pourtant ce ne sont que de sales petits merdeux qu'un peu de courage suffirait à dérouter mais personne n'ose »... Ce Populaire, journal de Léon BLUM, est « le journal le plus juif de Paris (si possible) petits fonctionnaires, petits bourgeois »... Lundi 8 juillet. Il paraît que Mikkelsen revient de Londres avec de bonnes nouvelles et que l'espoir est permis : « Attendons confirmation du miracle ! ». De France, encore 2 échos communistes haineux : « Les plus enragés sont les écrivains, la pensée que je puisse survivre et surtout écrire de nouveau les jette dans l'épilepsie »... À sa femme : « Notre Saint Bernard Mikkelsen nous a tenus hors du ravin mais le gouffre est encore là »... Il pense qu'il publiera ses livres en Suisse : « Tant pis pour la maison Denoël ! Je ne peux pas crever de faim pour leurs lubies sadiques. C'est eux qui perdront un auteur et des clients ! »... Mardi 9 juillet. Il envoie une coupure (jointe) du Figaro, et espère que tout va s'accélérer : « Voici 8 mois que je suis au supplice et au silence »... À sa femme, qui souffre d'eczéma, il donne longuement des conseils pour soigner ses mains, et la pousse à manger... « Je veux être traité aussi bien que Montherlant, Guitry, La Varende, Ajalbert, Giono - qui ont cent fois plus collaboré que moi. [...] Ne te laisse jamais convaincre de mon indignité “spéciale” elle n'existe pas ? Churchill a écrit pire que moi contre les Juifs. Et Jésus-Christ lui-même »... Mercredi 11 juillet. Il se plaint d'un nouveau déchaînement des journalistes contre lui, alors qu'il n'a pas collaboré pendant la guerre : « Ils me jugent d'après eux-mêmes, merdeux plumitifs trop heureux de baver quelques colonnes [...]. Voici votre ministère des Affaires Étrangères bien embarrassé par cette cabale de presse de prendre envers moi une mesure bienveillante ! L'opinion publique ! Il ne s'agit pas de justice mais de sadisme »... À sa femme : « J'en ai assez d'être toujours recouvert de mensonges et de merde par n'importe qui sans pouvoir jamais me défendre »... L'hôpital étant plein, on va le renvoyer en cellule : « Pourquoi pas au cimetière tout de suite »... Vendredi 12 juillet. Il se désole de voir tant d'efforts vains, il est toujours en prison. S'il était juif, on l'aurait libéré depuis longtemps : « disons-le carrément si l'on ne me libère pas de la prison de Vestre c'est par peur d'avoir l'air de protéger un vieil antisémite. [...] Pure vengeance juive ».
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