PHILIPPE CASANOVA NÉ EN 1965

Lot 84
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Estimation :
6000 - 8000 EUR
PHILIPPE CASANOVA NÉ EN 1965
Bozzetto préparatoire pour la voûte de la nef d'une église à Rome Huile sur toile 170 x 120 cm Faut-il rappeler l'importance des esquisses préparatoires? À Rome, la Galleria Spada conserve l'une de celles que fit Giovan Battista Gaulli, dit Il Baciccia, pour la voûte de l'église du Gesù. Avant de transformer le Gesù de Vignole, «église blanche» de la Contre-Réforme, en une église baroque, le peintre gênois avait réalisé plusieurs esquisses du Triomphe du nom de Jésus, dont la réalisation définitive fut présentée au public à la fin de l'année 1679. En peignant ces esquisses à plat, l'artiste devait imaginer ce que les formes et les couleurs deviendraient lorsqu'elles suivraient les incurvations de la voûte. Certes Rome, dès le début du Seicento, avait été le théâtre d'expériences nombreuses et variées dans le domaine de la peinture décorative, que ce fût dans les voûtes des églises ou sur les plafonds des palais - la voûte de la galerie du palais Farnèse, peinte de 1597 à 1604 sous la direction d'Annibal Carrache, en est un exemple célèbre. Quelle nouveauté, toutefois, que la voûte du Gesù! Au-dessus du spectateur médusé, elle paraît s'ouvrir sur un ciel éblouissant de lumière, qui l'invite à oublier l'espace matériel de l'église pour s'envoler dans un espace imaginaire, véritable appel vers l'infini. Pour obtenir cet effet ascensionnel, la perspective da sotto in sù est étudiée pour que nous élevions notre regard vers l'ouverture centrale. C'est tout l'art de la quadratura, où l'architecture réelle de l'église est prolongée par des édifices imaginaires. La présente esquisse est un bozzetto pour un projet de toile monumentale destinée à orner la totalité de la nef d'une église baroque du centre de Rome. Cette nef, dont la décoration est restée inachevée, constitue une surface d'environ trois cents mètres carrés. La composition représente les diverses étapes d'un pèlerinage très ancien, remis en usage par Saint Philippe Néri à partir de 1552, où les pèlerins se rendaient dans sept des églises de Rome sur deux journées, en treize heures de marche. Ce parcours, ponctué de méditations, était éminemment symbolique: en allant dans ces basiliques dont chacune représentait un patriarcat, le pèlerin effectuait un tour du monde chrétien. Partons du bas de l'esquisse, et suivons le trajet des pèlerins dans le sens des aiguilles d'une montre. Ils sortent d'abord de la Chiesa Nuova, traversent le Pont Saint-Ange, passent devant le baldaquin de Saint-Pierre, poursuivent vers Saint-Paul-hors-les-Murs, invoquent l'Esprit Saint devant Saint-Sébastien-hors-les-Murs, sise au-dessus des catacombes du même nom, entrent à Saint-Jean-de-Latran, puis vont à Sainte- Croix-de-Jérusalem, à Saint-Laurent-hors-les- Murs (que les Romains appellent San Lorenzo al Verano) et reçoivent la bénédiction finale devant la basilique Sainte-Marie-Majeure. Au-dessus des architectures qui, toutes ensemble, ont l'air de se dresser vers le ciel et forment une sorte de quadratura, un voile rouge se soulève et s'ouvre, révélant la voûte céleste avec, en son centre, la Sainte Trinité. Au-dessus de Saint-Sébastien, Saint Philippe Néri apparaît emporté par deux anges; au-dessus de la Vallicella, la Madone, qui a les traits de celle que Rubens a peinte pour le maître-autel de cette église, est soulevée elle-aussi par une kyrielle d'anges. La question qui se trouve ici posée, c'est en fin de compte celle des rapports entre l'art contemporain - Philippe Casanova est un homme de notre temps - et l'héritage toujours écrasant des peintres et des décorateurs baroques. Ils ne sont pas légion, les peintres qui, aujourd'hui encore, savent manier les grands effets de genre. Dans cette esquisse, tout est dans l'impression première, l'effet global: le talent du peintre réside dans la prise d'ensemble de la voûte. Il témoigne d'une réelle ambition, qui s'appuie sur une culture profonde. L'artiste, sûr de son style, orchestre fortement les couleurs, où les rouges et les bleus jouxtent les jaunes en une luxueuse composition. La richesse des détails constitue un véritable défi aux facultés visuelles du spectateur. Tout comme il est conseillé au touriste d'aujourd'hui de se munir de jumelles pour apprécier les détails de la voûte de l'église San Pantalon de Venise, que Giovani Antonio Fumiani a mis quelque vingt-cinq années à peindre et qui, de toute évidence, a aussi servi ici d'inspiration, on pressent qu'il en ira de même pour la voûte grandiose de Casanova. Si l'on donne un jour au peintre les moyens de réaliser la toile marouflée qui devrait recouvrir la nef, nul doute que les sensations seront fortes! Anne-Madeleine Goulet
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