ARAGON Louis (1897-1982)

Lot 73
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4000 - 5000 EUR
ARAGON Louis (1897-1982)
MANUSCRIT autographe signé «Aragon», Une histoire contemporaine : Claude-André Puget, [1947] ; 22 pages et demie in-4 (quelques bords légèrement effrangés). Préface pour le recueil de poèmes de Claude-André PUGET, La Nuit des temps (Clairefontaine, 1947). «D'où naît le chant, et qui est le chanteur ? Qu'est-ce que c'est que cette murmurante folie dans un jeune homme, qui s'éveille...Qu'est-ce que c'est que cette musique en lui, ce besoin de la communiquer aux autres par des arrangements de mots, arbitraires sûrement, arbitraires... On dit c'est un poète ; il fait des vers... [...] Ce siècle est un puits profond et noir, et si je me penche à la margelle, que de choses inexplicables au tréfond ! [...] Un poète aussi est la créature du temps. [...] Il se croit libre, il invente sa romance, il avance et se met à chanter. [...] comment sont les poètes cingalais, ou ceux de Carcassonne ? Les uns écrivent pour les yeux, et d'autres ne sont que voix, et j'ai connu des poètes de l'absence, qui prenaient leur grandeur de ce qu'ils ne disaient pas. [...] C'est vers 1920, à dix-sept ans, à Nice, [...] que Claude-André Puget écrivit les premiers poèmes qui nous sont parvenus de lui !».... Arago parcourt alors l'œuvre poétique de Puget, depuis son premier livre Pente sur la mer... «C'est une poésie de la chute. C'est pourquoi elle méprise les tambours, la rime. Chose extraordinaire qu'un chant qui n'est chant que d'être retenu. Ce jeune homme que nous entendons encore, quel trouble exprimait-il donc, quel trouble à ces poèmes commun, quelle tristesse si différente des plaintes du temps de la Pléiade ou de cette nostalgie de Lamartine qu'on aurait cru, le prenant au mot, même à vingt ans, toujours sur le point de mourir ? [...] Je ne parle pas d'influence : je constate les analogies du chant sur une assez courte période de la poésie française, comme si dans un temps donné les chanteurs ne pouvaient sortir de certaines règles informulées, d'un certain cadre vocal, où le chant se plie à des traditions neuves, aussi exigeantes que celles du sonnet ou de la sextine. J'aime ces premiers livres où les hommes très jeunes livrent d'eux-mêmes plus qu'il ne paraît»... Etc. Aragon continue à explorer et commenter les divers recueils de Puget, faisant de nombreuses citations, pour terminer par La Nuit des temps : «Oui, nous sommes à une charnière du siècle, à un seuil de l'aventure humaine, et à ce lieu de passage il faut savoir lire aux variations de la poésie les variations de l'homme. J'ai suivi pas à pas ce poète pendant vingt années, et il pouvait ne sembler suivre que sa rêverie, mais je sais cependant que comme les reflets d'un incendie sur les nuages, ces variations du rouge au noir par le rose venaient d'un brasier extérieur et lointain. Rien n'est arbitraire dans la poésie, bien qu'on en pense. Et c'est à ce moment seul où la voix du poète semble dans la réalité se perdre, qu'elle chante enfin, qu'elle emplit le cœur de sa musique, et les yeux de larmes, à ce moment où la poésie avec le destin de l'homme se confond, dans La Nuit des Temps»
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