Zoom sur Tatiana Bruni, l’âme du théâtre Marinsky

L’artiste Tatiana Bruni s’est consacrée pendant plus d’un demi-siècle aux décors du théâtre Marinsky, perpétuant la grande tradition théâtrale de la Russie impériale. Un hommage lui sera rendu prochainement chez Aguttes, lors d’une importante vente d’Art Russe.


La vente d’Art Russe qui se tiendra chez Aguttes le 13 novembre prochain regroupe des artistes de haut rang. La vacation s’ouvrira sur une collection de dessins de théâtre provenant de l’Eurasian Museum de Washington, ancienne propriété de l’artiste Yuri Yurovsky, où l’artiste Tatiana Bruni tient une place toute particulière. Les œuvres des peintres Martiros Sergeïevitch Sarian, Constantin Alexeevitch Korovine et Ossip Zadkine seront également présentées, suivies par un ensemble d’objets décoratifs et militaires en fin de session. 
 


 
Yuri Yurovsky était un artiste de l’École de Kiev et un collectionneur averti. Sensible à la beauté de la nature et au rythme des tonalités, il s’est imposé comme un maître de la couleur, un véritable poète du paysage. Entouré des grands peintres de son temps tout au long de sa carrière, Yurovsky s’est également intéressé à l’univers de la musique, collectionnant les dessins des décorateurs de ballets et d’opéra pendant de nombreuses années. Sa collection reflète l’évolution de la tradition théâtrale russe et comprend un large éventail d’artistes traditionnels et modernes. 


Arrière-petite-fille de Fiodor Bruni, le recteur de l'Académie impériale des arts et peintre du Brazen Serpent, Tatiana Guéorguiévna Bruni fait partie d’une grande dynastie artistique russe. Née à Saint-Pétersbourg en 1902, elle étudie le ballet et visite régulièrement les salles de concert de la ville. 
Formée par Petrov-Vodkine, Bruni fait ses premières armes dans l’art du paysage, avant de retourner vers le monde du ballet. Dans les années 1920, elle travaille pour le Young Ballet (Jeune ballet), une compagnie expérimentale fondée par Giorgi Balanchivadze, qui deviendra le grand George Balanchine, maître incontesté du domaine.
 

 

Bruni a contribué à plus de 200 productions au cours de sa carrière, dans les théâtres de Léningrad, Kiev, Moscou, en passant par Sverdlovsk, Perm, Yaroslavl et Saratov, mais c’est au théâtre Marinsky qu’elle voue la majorité de son œuvre. Bien que son style s’inspire des tendances de la scénographie du XXe siècle, il reste très personnel et reconnaissable. 

 


C’est ainsi que pendant plus d’un demi-siècle, elle perpétue la grande tradition théâtrale de la Russie impériale. D’une inépuisable créativité, elle trace avec sûreté et laisse la couleur s’exprimer. Ses dessins à l’atmosphère féerique s’adaptent aux univers des différentes productions, faisant ressortir tantôt les tons chauds de l’Espagne, tantôt l’envoûtement de l’Orient. 

Le corpus de dessins présenté provient de célèbres ballets tels que La Belle au bois dormant (1943), Roméo et Juliette (1944), Le Lac des cygnes (1945), ou encore Le Pavot Rouge (1948). « Gardons à l’esprit que ce théâtre aux formes oniriques traverse les années tragiques de l’histoire russe et garde vivant l’esprit du « Jeune ballet » de Balanchine dont elle fut l’une des muses », a souligné la maison de ventes.
La collection de Yurovsky comprend d’autres décorateurs notoires comme Michel Pavlovitch, Féodor Féodorovitch Nirod et Anatole Galaktionovitch. 

 
          

 
La deuxième partie de la vente sera dédiée à la peinture et comprendra, entre autres, trois œuvres de Martiros Sergeïevitch Sarian, peintre arménien né en Russie considéré comme le père de la peinture arménienne moderne. Sarian se réfère à l'esprit populaire, il représente la nature, les gens, la végétation, les animaux, les oiseaux, comme une famille unique, un vrai paradis terrestre. Son œuvre a fortement été influencée par le travail de Gauguin.   « La nature engendre l'homme pour qu'elle puisse à travers ses yeux se voir, s'émerveiller de sa propre beauté », disait-il. Ses toiles sont inondées de lumière et de couleur. Profondément épris de l’Arménie, il est l’un des premiers à ressentir la nécessité d'élaborer un style propre basé sur les anciennes traditions nationales. 




Constantin Alexeevitch Korovine, qui sera représenté lors de la vente avec l’huile sur toile Boulevard parisien la nuit, est un peintre post-impressionniste et décorateur de théâtre. Ses multiples voyages en France lui font découvrir l’impressionnisme, un courant qui l’influence très fortement, à tel point qu’il décide de rompre avec le style sévère et rigide des Ambulants (mouvement réaliste apparu en Russie dans les années 1860). Il reçoit une Médaille d’or pour sa décoration du pavillon russe à l’Exposition universelle de Paris de 1900. 






Le bal du 14 juillet est une œuvre d’Ossip Zadkine, un peintre français d’origine russe établi en France en 1910. Il est considéré comme le maître de la sculpture cubiste.
Son œuvre comprend plus de 400 sculptures, plusieurs milliers de dessins, des peintures, des aquarelles, des gouaches ainsi que des cartons de tapisserie. 











On termine avec une œuvre sur papier d’Ivan Yakovlevitch Bilibine, un décorateur de théâtre, peintre et illustrateur de livres issu d’une vieille famille russe déjà évoquée à l’époque d’Ivan le Terrible. Il se consacre à l'illustration de bylines (récits épiques appartenant à la tradition orale russe) dès le début des années 1900, et réalise en parallèle des costumes et des décors de théâtre, notamment l’opéra Le Coq d'or de Rimski-Korsakov en 1909 au théâtre Zimina de Moscou. Pour cette production, il s’inspire des contes de fées et adopte les motifs ornementaux du style russe ancien.
Le catalogue de 269 lots, qui sera dispersé le 13 novembre prochain, offre un beau panorama de la création russe et une occasion unique d’acquérir un fragment de la célèbre tradition théâtrale de Russie. 


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