La Revue
SERDOUK : L'AIGLE DE BON AUGURE




 
Ainsi, des colombes, des pigeons ou des aigles, parfois bicéphales, peuvent être les sujets d'une grande pluralité d'objets aux époques diverses et aux lieux de production éloignés. Néanmoins, l'oiseau bicéphale marocain n'est pas en contradiction avec le célèbre aigle bicéphale de l'empire austro-hongrois si l'on s'en réfère à l'idée de Meyer Shapiro selon laquelle « les deux connotations de la tête d’aigle — représentant les Juifs en tant qu’enfants de Dieu et sujets protégés de l’empereur — ne sont pas incompatibles ».

Aussi, l'oiseau constitue un bon exemple de la façon dont un motif peut se transformer tout en demeurant une permanence au sein d'une même religion. Les oiseaux sont visibles dans l'iconographie juive dès le XIVe siècle, comme en témoigne la Haggadah de la Tête d'oiseau, considérée comme la plus ancienne haggadah de Pâques ashkénaze enluminée, aujourd’hui conservée au Musée d’Israël. L'oiseau se propagera sur différents supports : on peut notamment le retrouver sur des broderies de « grandes robes » ou des enluminures de contrats de mariage. Il s'étend également d'un point de vue géographique : cette iconographie est visible sur le mobilier de culte, telle qu'une plaque ornementale pour la Torah (Inv.D.95.03.006.ACIP) fabriquée à Vienne, ou un plat de Seder (Inv.D.96.04.029.MHL) produit en Allemagne, tous deux datant du XVIIIe siècle et conservés au MAHJ.

Bien plus qu'un précieux médaillon, il s'agit d'un véritable bijou d'iconographie que nous vous présentons à présent. L'image de l'oiseau bicéphale rappelle à plus d'un l'Empire Austro-Hongrois. C'est pourtant bien plus au sud que l'on retrouve l'origine de ce médaillon. Ce type de bijoux serait né au Maroc, plus particulièrement à Tétouan, lorsque les bijoutiers juifs s'y installèrent et s'inspirèrent des réminiscences de l'art hispanique. On compte alors des diadèmes, bagues, pendentifs et broches à décor d'oiseaux portés lors des évènements importants comme les mariages.



Médaillon pectoral « serdouk »
En forme d'aigle bicéphale, en or jaune gravé et ajouré sur les deux faces, orné d'émeraudes, de saphirs, diamants et de rubis, agrémenté de perles suspendues au niveau des becs, des serres et des ailes.
Tunisie ou Maroc, XVIIIe siècle.
Hauteur : 8,5 cm - Largeur : 7 cm
Poids brut : 67 g (monté en broche, manque une perle)

BIBLIOGRAPHIE
  • Aviva Muller-Lancet, Dominique Champault, La vie juive au Maroc, éditions Stavit, 1986.
  • Paul Eudel, Dictionnaire des bijoux de l'Afrique du Nord : Maroc, Algérie, Tunisie, Tripolitaine, Ernest Leroux éditeur, Paris 1902. Les oiseaux sont un élément très ancien de l'iconographie juive, comme en témoigne la Haggadah de la Tête d'oiseau, manuscrit du XIVe siècle et considérée comme la plus ancienne haggadah de Pâques ashkénaze enluminée, aujourd'hui conservée au Musée d'Israël. On peut également retrouver ce motif sur des broderies ou des contrats de mariage. Ainsi, des colombes, des pigeons ou des aigles, parfois bicéphales, peuvent être les sujets de ces médaillons.Plus précisément, le motif de l'oiseau à deux têtes aurait été importé par les bijoutiers juifs au Afrique du Nord en réminiscence de l'art hispanique. On le retrouve également sur différents types d'objets de culture hébraïque, tant pour du mobilier de culte, telle qu'une plaque ornementale pour la Torah (Inv.D.95.03.006.ACIP) ou un plat de Seder (Inv.D.96.04.029.MHL) conservés au Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme, que pour des bijoux. Ces objets, produits au XVIIIe siècle, proviennent à la fois d'Espagne et d'Allemagne. Aussi, peut-on souligner la similarité entre ce symbole et le célèbre oiseau bicéphale de l'empire austro-hongrois. Néanmoins, selon Meyer Shapiro, l'un n'exclue pas l'autre : « Les deux connotations de la tête d'aigle - représentant les Juifs en tant qu'enfants de Dieu et sujets protégés de l'empereur - ne sont pas incompatibles ». Deux autres médaillons en forme d'oiseau sont conservés au MAHJ, l'un à une tête (Inv.D.2006.02.006), et le second, comme le notre, bicéphale (Inv.D.2006.02.005)
Ce médaillon se caractérise également par un savoir-faire remarquable, visible par la grande finesse avec laquelle le plumage est ciselé dans l'or au recto et au verso. Le naturalisme s'agrémente de la préciosité de l'ornementation, composée d'émeraudes, de saphirs et de rubis, à quoi s'ajoute l'élégance qu'offre la présence de perles suspendues au niveau du bec, des serres et des ailes.

Ainsi, ce rare pan de l'histoire, dont ce médaillon véhicule le témoignage, mêlé à la beauté de sa confection composent une valeur tant matérielle qu'immatérielle qui sera présentée aux enchères lors de notre prochaine vente Haute Epoque le vendredi 9 décembre prochain.



 



HAUTE ÉPOQUE

Vente aux enchères
Le vendredi 9 décembre à 14h30
Aguttes Neuilly

 
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Exposition
Vendredi 2 au samedi 3 décembre : 14h-17h30
Lundi 5 et mardi 6 décembre : 10h-18h
Mercredi 7 décembre : 14h30-18h
Jeudi 8 décembre : 10h-20h


Responsable du département Mobilier & Objets d'Art
Grégoire de Thoury 
+33 1 41 92 06 46 • thoury@aguttes.com