La Revue 
CHASSES ET VOLERIES IMPÉ
RIALES DE L'EMPEREUR MAXIMILIEN Ier EN FORÊT DE SOIGNES
REDÉCOUVERTE D'UNE TAPISSERIE PAR LA MAISON AGUTTES








Chasses et Voleries Impériales de Maximilien Ier en forêt de Soignes (détail)
Rarissime et monumentale tapisserie en laine et soie.
L’Empereur Maximilien y est représenté à la chasse avec chevaux et oiseaux de proie et chiens, à sa droite sa sœur Cunégonde d’Autriche. On reconnaît aussi Bianca Maria Sforza, Philippe de Habsbourg, Roi de Castille, Adrien de Longueval, Grand Veneur de la cour Impériale, Wolfgang von Polheim, Jeanne de Castille, dite Jeanne la Folle, Marguerite de Habsbourg, fille de Maximilien et plus à gauche, Albert IV duc de Bavière. Tous les personnages évoluant dans un riche décor végétal fleuri représentant la forêt de Soignes, à l'arrière-plan le château de Bouchout près Bruxelles.
Flandres, ateliers de la ville de Tournai, début du XVIe siècle.
Hauteur : 3,05 m ; Largeur : 10,25 m
(Exceptionnelle polychromie, découpe, restaurations)

Estimation : 800 000 / 1 200 000 €


PROVENANCE
  • Commande honorée le 28 octobre 1510 par l’empereur Maximilien Ier (1459-1519) au marchand lissier Arnould Poissonnier pour la somme de “1460 livres, de 40 gros de Flandres la livre à raison de 27 sous” vraisemblablement à destination la galerie du château de Wels, en Autriche. Décrite comme “chambre de tapisserie de toutes choses plaisantes de chasse, vollerie et autrement”. [AD Nord, F. 197]
  • Antoine Coëffier puis Coëffier-Ruzé, marquis d’Effiat, surintendant des Finances du Royaume de France (1581-1632) pour son château d’Effiat en Puy-de-Dôme. Avant 1613.
  • Son fils : Henri Coëffier-Ruzé, marquis de Cinq-Mars, grand-écuyer de France (1620-1642), condamné à mort pour conspiration contre le cardinal de Richelieu en 1642.
  • Rachetée par le frère du précédent durant la vente de ses meubles le 20 avril 1643, décrite comme “une autre tenture de tapisserie des Gobelins de haulte lisse représentant la Chasse du roy François contenant huit pieces rehaussée de soye garnie de toile de trois aulnes de hault ou environ sur vingt cinq de court prisée mille livres délivrée audict seigneur abbé d’Effiat pour la somme de douze cens cinquante livres tournois”.
  • Inventoriée au château d’Effiat en 1698 après le décès de l’abbé Charles-Jean Coëffier, abbé du Mont Saint-Michel (1622-1698) décrite comme “Chasse de François Ier”.
  • John Law (1671-1729), économiste bien connu, marquis d’Effiat, contraint de vendre par ses créanciers.
  • Gabriel François de Rehez de Sampigny (1697-1776), créé marquis d’Effiat.
  • Son fils : François Charles de Rehez de Sampigny, marquis d’Effiat (1736-1814)
  • Sa petite fille : Sidonie Gabrielle Catherine de Rehez de Sampigny (1804-1874) qui vendit Effiat en 1847 à Jean Boucard qui après avoir commencé à détruire partiellement le château, entreprit d’en vendre le mobilier.
  • Acquise entre 1848 et 1853 lors des ventes par Boucard des collections du château d’Effiat en Auvergne par Pierre-Edmond Teisserenc de Bort (1814-1892), ambassadeur de France à Vienne entre février 1879 et avril 1880.
  • Classée au titre des Monuments Historiques (arrêté de classement du 16 juin 1942)
  • Par descendance jusqu’à ce jour.

BIBLIOGRAPHIE
  • Paul Lacroix, Les Arts au Moyen-âge et l’époque de la Renaissance, Paris, 1869. p. 48, fig. 26, reproduite.
  • Eugène Müntz, Histoire générale de la tapisserie - Troisième partie, Paris, 1878. p. 78.


Riche d’un fabuleux décor, ce remarquable panneau de tapisserie, qui narre les épisodes de Chasses et Voleries Impériales de l’Empereur Maximilien Ier (1459-1519), passera sous le feu des enchères, chez Aguttes, le vendredi 9 décembre 2022. Imaginée au début du XVIe siècle et provenant des ateliers de la ville de Tournai, cette tapisserie faisait partie d’un ensemble de tentures, tissé de laine et de soie, qui mesurait initialement plus de 100 mètres de longueur.




In situ : Chasses et Voleries Impériales de l’Empereur Maximilien Ier en fôret de Soignes


Commande des Chasses et Voleries Impériales de l’Empereur Maximilien Ier en fôret de Soignes par l’empereur Maximilien Ier au marchand Lissier Arnauld Poissonnier de Tournais.
Ce remarquable panneau de tapisserie de Tournai, appartient à une tenture ayant pour registre les Chasses et Voleries impériales des Habsbourg dans la forêt de Soignes.

Cette tenture qui mesurait, initialement, plus de 100 mètres de longueur dut nécessiter près de 10 ans de travail. Remarquable par son camaïeu de détails, la tenture résulte d’un travail consciencieux.
Accompagnés de leurs chevaux, chiens et volatiles, les personnages évoluent dans une scène de chasse, dans la forêt de Soignes, non loin du château de Bouchout, que l’on aperçoit dans les profondeurs de la scène, en haut à gauche.






Chasses et Voleries Impériales de l’Empereur Maximilien Ier en fôret de Soignes (détail)




Le tapisserie que nous présentons, quoi qu'immense, ne représente en fait qu'un dixième de la tenture initiale dont l’essentiel s’est perdu aujourd’hui. Cette tenture originelle, commande de l’Empereur Maximilien Ier, mesurait initialement plus de 100 m de longueur et a dû nécessiter près de 10 ans de travail. Jules Guiffrey nous rapporte dans son ouvrage de l’histoire de la tapisserie qu’elle fut payée par l’empereur Maximilien Ier au marchand lissier Arnold Poissonnier de Tournais avec deux autres tentures : Un triomphe de Jules César, en huit pièces, contenant 400 aulnes (carré), Une histoire de gens et bêtes sauvages, de 300 aulnes (carré), Une chambre de Chasse et de Volerie de 299 aulnes (carré) Moyennant la somme de 1.410 livres tournois en l’an 1510. Elle devait probablement meubler la galerie du château de Wels, en Autriche. 

Selon toute vraisemblance, la tapisserie The visit of the Gypsies conservée au Currier Museum of Art (N°1937.7) est un élément de la même tenture originelle commandée par Maximilien Ier. Cette tapisserie se retrouvait d’ailleurs au côté de celle que nous présentons  de les collections du château d’Effiat au début du XVIIe siècle et porte d’ailleurs les armes brodées des Coëffier d’Effiat (armes anciennes antérieure à 1613) sur la bordure supérieure. 

Au début du XVIe siècle, les tapisseries étaient pourvues de plusieurs usages : celle-ci meublait sans doute la galerie du Château de Wels, en Autriche. Au-delà de la mise en valeur de son lieu d’exposition, la tapisserie contribuait à la notoriété de son commanditaire. Inspirée des références religieuses, mythologiques, littéraires ou d’usages courants, elle tendait à distraire ses admirateurs. Ce panneau fait 22,93 aulnes, donc il ne représente que 10 % de la tenture initiale. Comme à l’habitude, elle représente les personnes de l’entourage du commanditaire. C’est la raison pour laquelle on peut observer sur ce panneau certains des personnages aux traits des familiers de l’empereur Maximilien Ier (1459-1519). L’Empereur se tient, lui-même, à droite, avec à sa droite sa sœur Cunégonde d’Autriche, Duchesse consort de Bavière (1465-1520), encore plus à droite Philippe de Habsbourg dit Philippe le Beau, Roi de Castille (1478-1506). Au centre en rouge, en arrière-plan, figure Adrien de Longueval (1487-1524), Grand Veneur de la cour impériale (Chevalier Baron). Au premier plan légèrement à gauche, on distingue Wolfgang von Polheim (1452-1512), et juste derrière lui, Jeanne Ire de Castille, dite Jeanne la folle, Reine de Castille (1479-1555) épouse de Philippe le beau, et un peu à gauche Marguerite de Habsbourg, Archiduchesse d’Autriche (1480-1530), fille de Maximilien et sœur de Philippe le Beau, et plus à gauche, tenant un faucon, Albert IV de Bavière, Duc de Bavière (1447-1508), et beau-frère de Maximilien.
L’abondance d’ornements complexes, tant sur les personnages que sur leurs montures, dont les détails sont particulièrement travaillés, ainsi que la multiplicité des références végétales et animales, rendent cette scène de chasse admirable.
 


Tapisserie retrouvée par les Monument’s Men
 
Cette tapisserie avait été acquise par Pierre-Edmond Teisserenc de Bort (1814-1892) avec un autre grand panneau de la même tenture et à la même provenance. Au début de janvier 1942, deux intermédiaires parisiens agissant pour la Reichsbank (pour le compte du maréchal Goering) essayèrent d'en négocier l'achat. Le propriétaire n'avait nullement l'intention de s'en dessaisir et sollicita l'aide de l'administration des Beaux-Arts : celle-ci accepta le classement des tapisseries au titre des monuments historiques en mi-juin 1942, mesure qui interdisait d’office leur sortie du territoire. Soumise à des pressions, le propriétaire finit par en faire donation à l'Etat français fin juin 1942. Très mécontent de cette ingérence, Goering menaça de représailles le gouvernement de Vichy qui estima alors qu'il n'était pas possible de conserver les tapisseries : sur ordre du président Laval, le préfet régional où été les tapisseries les fit remettre aux envoyés de Goering fin juillet. Un arrêté de déclassement des tapisseries fut pris le mi-août 1942 de manière à permettre leur sortie de France. Après la guerre, ayant été retrouvées par les Monument’s Men, un long procès aboutit, en 1955, par un arrêt de la Cour de cassation qui reconnaissait que la donation était fictive, qu'il n'y avait pas eu de vente et que l'État devait assurer à ses frais la remise en place des tapisseries et la réparation des dégâts occasionnés par leur enlèvement. L'une des tapisseries qui avait été restaurée en Autriche fut rendue en 1961. L'autre resta en dépôt au Mobilier National, à Paris, jusqu'à sa réparation et sa restitution aux héritiers en 1967. Leur localisation était depuis lors inconnue.
 



Analyse stylistique




Les traits flamands de la tapisserie se lisent dans l’affluence des personnages, le modèle raffiné des vêtements de couleur rouge et jaune, dont la superposition des tissus, tout comme les modelés indiqués par des barrages verticaux, est caractéristique de l’Europe du Nord.
La présence du motif récurrent de la grenade constitue une autre caractéristique. Les visages peu expressifs, mais toutefois individualisés avec des bouches fines et courtes, une sobriété voire mélancolie, des expressions rêveuses, des traits épais pour les hommes permettent l’identification des personnages. Autre élément iconographique important, la végétation qui illustre, ici, une flore printanière ! La profusion de fleurs rappelle les tapisseries de Paris, dont celle des Vendanges, conservée au musée de Cluny.
Promesse d’amour et gage de mariage, l’œillet se dissémine dans l’ouvrage parmi les grenades, narcisses, cyclamens, chardons et iris, tant appréciés des connaisseurs. La recherche de perspective, entre autres par l’usage de souches d’arbres éparses, vestige de la coupe hivernale, caractérise les tapisseries de Tournai, et participe à leur renom.







Cette scène mélange des éléments datant de la toute fin XVe et du tout début XVIe siècle. Le traitement des vêtements constitue une source d’informations précieuses et confirme la datation avancée : des bérets de la fin du XVe siècle, des bas de chausses rouges, des tuniques aux cuisses avec orfroi aux extrémités, des cheveux des femmes visibles sous les coiffes particulièrement riches et complexes. En réaction à des températures du petit âge glaciaire, en particulier en Europe du Nord, l’Europe occidentale est marquée par des vêtements volumineux superposés en abondance. Des lignes coniques pour les femmes, avec de la largeur au niveau des hanches, et pour les hommes, les épaules plus larges, remplacent désormais les grandes lignes étroites de la fin des années médiévales. Les manches, au centre de l'attention, ont été gonflées ; les chemises et blouses présentaient des manches plissées au niveau des poignets. Le jabot est devenu peu à peu un volant large. Les chemises allemandes ont été décorées avec de larges bandes d'or à l'encolure, ce qui était uniformément faible au début du XVIe siècle. Les fourrures les plus en vogue sont le manteau d'hiver argenté du lynx brun foncé, presque noir. Quant à la mode capillaire, elle repose sur la raie au milieu et sur la blondeur pour les femmes, cheveux longs au cou pour les hommes.
 


Analogie de l’œuvre avec la photographie d’un panneau semblable

Une photographie d’un panneau semblable bien que moins important (H : 3,05 m ; L : 3,80 m) appartient au fonds Macier, au MAD (Musée des Arts Décoratifs de Paris). Sur le revers du vêtement du personnage principal, on peut lire « VIVE BOURGONDE FRANQUE JAN ET VONT AU … ». Il s’agit d’un extrait d’une chanson de geste à la gloire de Jean Sans Peur, mort assassiné en 1419. Écrite par Jean Blondel en 1420, elle s’intitule « Complainte des Bons François » à l’instar de la chanson de Roland. Par ailleurs, un panneau faisant très probablement partie de la même tenture est constitué du rentrayage de deux parties de panneaux unifiés. Bien qu’en moins bon état que celui proposé aux enchères, il paraît évident qu’il provient de cette tenture magistrale. Ce panneau aujourd’hui en collection privée (Collection privée) présente des dimensions identiques au nôtre (Photo Fonds du MAD).





HAUTE ÉPOQUE

Vente aux enchères
Le vendredi 9 décembre à 14h30

Exposition
Du vendredi 2 au samedi 3 décembre: 14h - 17h30
Lundi 5 et mardi 6 décembre: 10h - 18h
Mercredi 7 décembre: 14h30 - 18h
Jeudi 8 décembre: 10h - 20h


Grégoire de Thoury
Responsable du département Mobilier & Objets d'Arts
+33 1 41 92 06 46 • thoury@aguttes.com

Expert : Frank Kassapian