La Revue
DÉCOUVERTE MAJEURE D'UNE SCULPTURE EN MARBRE DE L'ÉPOQUE SUI (581-618)




Le 31 mai prochain, nous aurons l’honneur de présenter à l’occasion de notre vente d’Arts asiatiques une exceptionnelle sculpture de l’époque Sui (581-618). Cette rare sculpture redécouverte par notre équipe d’experts de la Maison Aguttes et son actuel propriétaire après 40 ans de repos dans l’entrepôt familial est quasiment inestimable au regard de sa beauté, son ancienneté et son état de conservation remarquable. Pièce maîtresse de la vente, elle s’intégrera au sein d’un ensemble de collections d’exceptions.



Chine, dynastie Sui (581 - 618)

Exceptionnelle sculpture en marbre blanc de patine beige nuancée de brun, représentant Guanshiyin, déesse de la compassion dont le nom signifie « qui perçoit les sons du monde », souvent abrégé en Guanyin, forme chinoise féminine du dieu Avalokiteshvara. La divinité souriante, aux yeux mi-clos, se tient debout sur une fleur de lotus épanouie, posée sur une base formée par un lotus inversé, son corps ébauchant un léger tribhanga, triple déhanchement. Elle tient dans sa main gauche, le long du corps, le vase à eau lustrale, un des trésors du bouddhisme, tandis que la droite, levée contre elle, tient la branche de saule, un autre de ses attributs. Elle est parée de nombreux bijoux, pendants d’oreilles, pectoral, longs colliers s’entrecroisant au niveau de la taille et retombant sur sa robe, ceintures orfévrées. Ses cheveux, relevés en un haut chignon, sont ceint d’un diadème qui retient le voile retombant sur ses épaules et présente trois médaillons lotiformes, celui du centre portant le caractère Fo, Bouddha. Sur son cou, sont bien visibles les trois plis de sagesse, une des marques de la bouddhéité.

Il est possible que la base lotiforme, rapportée, soit quelque peu plus tardive. Sculptée sur tout son pourtour, elle est de style légèrement différent, quoique de même  matériau et de patine similaire.





Chine, dynastie SUI (581 - 618)
Sculpture en marbre de patine beige nuancée de brun représentant Guanshiyin, déesse  de la compassion dont le nom signifie « qui perçoit les sons du monde », souvent abrégé en Guanyin, forme chinoise féminine du dieu Avalokiteshvara.
H. 146 cm




Le bouddhisme en Chine

Cette importante sculpture en marbre blanc patiné est un très bel exemple de la sculpture bouddhique à l’époque de l’apogée de cette religion en Chine, où elle pénétra après un long périple à travers l’Asie. Originaire de l’Inde du nord, le bouddhisme fut fondé au VIe ou Ve siècle avant J.-C., par Siddhartha Gautama, un prince de Kapilavastu, dans l’actuel sud du Népal ou nord de l’Inde, qui renonça à sa vie de luxe pour rechercher l’illumination et dispenser un enseignement à une communauté de moines itinérants qui vont peu à peu diffuser ce qui deviendra la religion bouddhique.

Celle-ci va d’abord se propager en Inde du nord puis du sud pour ensuite aller vers l’Extrême-Orient, selon deux grands axes portant chacun un courant à l’expression très différente. Le long de la trajectoire sud se diffuse vers l’Asie du sud-est, le bouddhisme Theravada (des anciens), école du Petit Véhicule, Hinayana, où seul le Bouddha est révéré et figuré. La trajectoire nord voit se propager les traditions Mahayana (du Grand Véhicule) et Vajrayana (véhicule du Diamant, au Tibet). Ces écoles donnent naissance à tout un panthéon où Bouddha du passé, présent et futur côtoient d’innombrables bodhisattva et autres déités protectrices.

Le bouddhisme Mahayana est attesté en Chine dès le IIe siècle de notre ère. Mais c’est avec la dynastie des Wei du nord (386-534), peuple Tabghach d’origine turque qui envahit et unifia un temps la Chine du nord, que le bouddhisme connut un essor considérable. A la fois désireux de se siniser en adoptant les institutions et traditions chinoises, dont le taoisme, les souverains Wei virent dans le bouddhisme, dès le milieu du Ve siècle, un instrument de légitimation et d’affirmation de leur pouvoir, et l’adoptèrent comme religion d’état.

On vit alors se multiplier monastères et grottes bouddhiques, où abondaient peintures et sculptures, ces dernières rupestres ou en ronde-bosse, en stuc, pierre ou bois, le plus souvent revêtues de polychromie, et représentant Bouddha, Bodhisattva, disciples et assistants.

Révélant au tout début une certaine influence des styles indiens, ces représentations se sinisèrent rapidement au cours des IVe-VIe siècle et poursuivirent leur essor, notamment avec l’impératrice Wu Zetian (690-705) de la dynastie des Tang (618-905), seul empereur féminin de toute l’histoire de la Chine, qui alla même jusqu’à s’identifier à Maitreya, le Bouddha du futur, à des fins également politiques. Son règne vit une prolifération de sculptures bouddhiques, que l’on disait à son image.

La communauté religieuse bouddhique devint ainsi progressivement très puissante, malgré quelques périodes de rejets violents au fil des siècles. La période du début du VIIe siècle au milieu du IXe siècle est d’ailleurs considérée comme l’âge d’or du bouddhisme en Chine.

Mais cette puissance signa peu à peu son déclin. D’une part, cette religion présentait des caractéristiques en désaccord avec l’idéal moral et social façonné par le confucianisme ; d’autre part, le coût financier et social induit par les monastères était considéré par beaucoup comme prohibitif. Ce déclin s’amorça à partir du milieu IXe siècle. Le bouddhisme ne disparut pas pour autant, mais s’éloigna des hautes sphères du pouvoir. Ce n’est que quatre siècles plus tard, avec l’avènement de la dynastie mongole des Yuan, que le bouddhisme se rapproche à nouveau du pouvoir. Mais il s’agit alors du Vajrayana, le bouddhisme tibétain, dont l’essor va se poursuivre en Mongolie pendant le règne des Ming, puis en Chine sous les Qing, en lien avec les jeux de pouvoir et de domination entre la Chine, la Mongolie et le Tibet.

Il est intéressant de noter que la première phase de propagation du bouddhisme vers l’Est, qui arriva au Japon au VIe siècle, s’étala sur onze siècles et fut un facteur important d’unification entre différentes civilisations. On assista alors à une intense activité intellectuelle de traduction et diffusion des textes sacrés, les sutras, notamment à partir du plus grand foyer de l’époque, l’université-monastère de Nâlandâ, dans le nord de l’Inde, au Bihar, qui accueillit, à son apogée entre le IVe et le VIIIe siècle, jusqu’à 80 000 moines. Des moines de toute l’Asie y venaient étudier puis repartaient, emportant textes sacrés et traditions jusqu’aux confins de l’Asie. Les divinités qui empruntaient ce chemin avec eux évoluaient parfois au gré des cultures locales, s’adaptant pour mieux s’implanter.

Un des exemples les plus frappant est le Bodhisattva Avalokiteshvara. Un Bodhisattva est un être (sattva) sur le chemin de l’Eveil (bodhi), un futur Bouddha qui a renoncé à l’être afin de demeurer plus près des humains pour mieux les aider. Avalokiteshvara, « le seigneur qui observe depuis le haut », est sans doute le bodhisattva le plus révéré du bouddhisme Mahayana et donc, le plus représenté. Il personnifie la compassion, la miséricorde, la charité. En Chine, il devient Guanyin, faisant progressivement l’objet d’une féminisation, définitive à partir des Song. Guanyin syncrétise les vertus du boddhisattva Avalokiteshavra et celles d’une déesse populaire chinoise faisant partie des Immortels taoïstes. Déesse protectrice dans la vie quotidienne, elle est souvent invoquée en faveur des enfants et des marins.

A l’époque où fut sculptée notre Guanyin, ses représentations étaient richement parées, par contraste avec le Bouddha lui-même qui avait renoncé à tous biens matériels, et afin de rappeler la condition de prince qu’il avait abandonnée.

Les parures de Guanyin marquaient ainsi sa renonciation à l’état de Bouddha et son maintien dans le monde matériel des richesses.





ARTS D'ASIE
L’UNIVERS DU COLLECTIONNEUR

Vente aux enchères
Le mardi 31 mai, à 14h30

Exposition du 17 mai au 30 mai, sauf les 21, 22, 26 au 29 mai. 

Aguttes Neuilly


Johanna Blancard de Lery
Responsable du département Arts d'Asie
+33 1 47 45 00 90 • delery@aguttes.com