Vente
SANYU (1895 - 1966), CHEF DE FILE DE L'ART MODERNE CHINOIS
- 33e VENTE PEINTRES D'ASIE
Vente aux enchères publiques
Le 2 juin 2022 à Neuilly-sur-Seine, France


通稿
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La maison de ventes Aguttes propose aux enchères un rare témoignage du talent de Sanyu, chef de file de l’art moderne chinois, le 2 juin 2022 à Neuilly-sur-Seine. Seront présentées deux huiles sur toile de sa jeunesse, totalement méconnues, acquises avant 1940 par un collectionneur russe demeurant en Belgique, et qui ont été entreposées depuis plus de 30 ans dans le coffre-fort de son héritier. Par ailleurs, une sélection choisie d'œuvres sur papier, provenant de la célèbre Collection Michel Habart, sera dispersée. Elle illustre admirablement les années passées par l’artiste au sein de la célèbre académie de la Grande Chaumière.  


 


SANYU (1895-1966) 
Le maître de piste, Monsieur Loyal, à cheval, 1926
Huile sur toile, signée et datée en haut à droite 
27.2 x 19 cm 

Provenance 
Collection Henri-Pierre Roché, Paris 
Collection Alexandre Netsa - Mamonoff / Marynen (acquis avant 1940) 
Collection privée, Belgique (par transmission des précédents en 2003) 

 


« Nous présentons deux émouvantes toiles en vente le 2 juin prochain. En effet, il s'agit des premières touches que Sanyu pose à l'huile sur une toile et très probablement celles qui ont attiré l'attention du mécène Henri-Pierre Roché sur le talentueux artiste. Je suis ravie de cette découverte qui permet une avancée dans la connaissance du peintre. Je remercie le vendeur de sa confiance pour cette mise en vente qui nous donne une nouvelle occasion de présenter des œuvres méconnues de Sanyu aux collectionneurs passionnés. » 
Charlotte Aguttes-Reynier, expert de la vente








Deux des toutes premières huiles sur toile réalisées par Sanyu en 1926 et 1927 

L’artiste se rend à Paris, dès 1920, et décide de s’y installer : il peint ces deux tableaux, quelques années seulement, après son arrivée en France. Ils apparaissent aujourd’hui au grand public, après être restés en mains privées plus de 80 ans.  





SANYU (1895 - 1966)
La théière jaune, 1927
Huile sur toile, signée en haut à droite, datée au dos 
24 x 14 cm

Provenance 
Collection Alexandre Netsa - Mamonoff / Marynen (acquis avant 1940) 
Collection privée, ​Belgique (par transmission des précédents en 2003) 




La découverte de ces deux toiles, sur lesquelles l'artiste a apposé une date - 1926 pour l'une, et 1927 pour la seconde - permet une avancée très intéressante dans la connaissance de l'œuvre de Sanyu. En effet, si le domaine de prédilection de l'artiste chinois a de tous temps été l'encre ou l'aquarelle sur papier, son œuvre peint s’avère rare et plus tardif. Les éléments connus à ce jour marquaient 1929, date de la rencontre de Sanyu avec Henri-Pierre Roché, comme point de départ de son travail à l'huile. Le maître de piste, Monsieur Loyal, à cheval apparaît donc en 1926 comme une œuvre clé dans l'histoire de ce peintre. 
 
En représentant sur une toile de petit format chaque sujet en gros plan, Sanyu propose un angle d’approche très personnel. Cette vision intimiste force l’œil du spectateur à se concentrer sur l'objet choisi : Le maître de piste, Monsieur Loyal, à cheval ou La théière jaune. Le décor et les fonds sont accessoires, et seuls importent les centres des compositions. 
 
Scolarisé à la maison, Sanyu prend des cours de calligraphie, avec Zhao Xi (1866-1948) et de peinture avec son père, peintre animalier, avant de se former également à l’université de Shangaï. Enfin, en France, il suit les cours de l'académie de la Grande Chaumière et s'émancipe peu à peu de l'art traditionnel chinois. Frappé par l'émulation avant-gardiste et si créative des peintres de toutes origines qu'il côtoie à la Coupole ou sur les bancs des académies, il utilise sa très grande maîtrise de la calligraphie pour bouleverser les codes traditionnels chinois et explorer les formes et les couleurs.   




Sanyu (Nanchong, Sichuan, 1895 – Paris, 1966), trait d’union entre l’Orient et l’Occident 
Aplats à la Matisse et absence d’arrière-plan 

Dans Le maître de piste, Monsieur Loyal, à cheval et La théière jaune, l’absence d’arrière-plan alliée à une perspective linéaire rappelle les origines chinoises de l’artiste. Traditionnellement, en effet en Asie, les artistes ne dépeignent pas les figures et les fonds dans la peinture à l’encre de Chine, et privilégient une représentation latérale. Dans la réalisation de La théière jaune, le peintre use d’un point de vue en plongée, et nous pouvons aisément imaginer la continuité de la table, sur laquelle repose la théière. Le maître de piste, Monsieur Loyal, à cheval suit, quant à lui, une dimension en 2D qui n’est pas sans rappeler les dispositions traditionnelles des éléments peints sur les rouleaux en Asie. 
 
« Sanyu aurait dû enseigner en Chine, il avait beaucoup d’audace et suivait ses impulsions. »  
Zao Wou Ki dans Sanyu, l’écriture du corps, Musée des arts asiatiques Guimet, ​ 2004, 16 juin-13 septembre in cat exp. 




Une touche spontanée et sûre 

La technique de ces deux œuvres marie également les influences européennes et asiatiques : tandis que Sanyu retient, de l’Occident, la peinture à l’huile qu’il découvre lors de son apprentissage à l’Académie de la Grande Chaumière, il conserve, de sa formation en Chine, la gestuelle assurée.  



Des sujets appartenant aux iconographies orientale et occidentale 

Si le thème des animaux se retrouve régulièrement dans le corpus de Sanyu, les chevaux restent ses sujets animaliers favoris. Chargés d’une symbolique forte en Chine et très représentés dans la peinture traditionnelle, ces équidés évoquent également la peinture de son père, peintre spécialisé dans la représentation de chevaux et de lions. Dans Le maître de piste, Monsieur Loyal, à cheval, Sanyu préfère immortaliser une monture apprêtée d’un harnais soigné, dans une pose travaillée et disciplinée. Le cheval semble presque plus individualisé que le cavalier, dont la silhouette s’efface derrière la forme. L’artiste nous offre, avec ce cheval monté par le maître de piste, surnommé Monsieur Loyal, une représentation du cirque. Sujet apprécié dans la peinture occidentale, il évoque chez Sanyu des souvenirs d’enfance, au cours de laquelle ce dernier observe le cirque ambulant venant de Bejing.  
Dans La théière jaune, le peintre ne manque pas non plus de s’inspirer de son pays d’origine. Le thé revêt, en Chine, un aspect sacré, indissociable de l’Empire du Milieu. Son rituel reste codifié en Chine, sa terre de naissance, mais popularisée dans le monde entier, cette boisson est déjà universelle à l’époque. 

 


La couleur, l’une des influences du Paris des Années folles

Marqué par les Années folles et le caractère bouillonnant de Paris à cette époque, Sanyu choisit, pour ces premières réalisations à l'huile sur toile, d'utiliser des couleurs plutôt traditionnelles.  
Dans Le maître de piste, Monsieur Loyal, à cheval, on remarque la touche rosée qui farde les joues du cavalier, note caractéristique du style de l’artiste. Tandis que le vert et le bleu se mêlent au noir et au marron, dans le portrait équestre, la deuxième composition présente, quant à elle, une théière et une tasse, d'un jaune vif qui se détache sur le fond rosé. 
 
« La peinture européenne est comme un riche festin où il y a des rôtis, des fritures, toutes sortes de viandes de forme et de couleurs variées. Quant à mes toiles, si vous voulez, ce sont des légumes et des fruits, des salades aussi qui peuvent servir à vous reposer de vos goûts habituels en peinture. »  
Sanyu interviewé par Pierre Joffroy, Le Parisien Libéré – 1946 




Henri-Pierre Roché (Paris, 1879 - Sèvres, 1959), collectionneur émérite et principal mécène de Sanyu 
 
Le dos de chacune des deux peintures porte le monogramme de Henri-Pierre Roché, grand collectionneur et mécène, figure incontournable du marché de l’art du début du XXe siècle.  
Sanyu se fait repérer par ce grand collectionneur à la fin des années 1920, probablement pour son style novateur, grâce à ce cerne si caractéristique, qui entoure une ligne spontanée et totalement maîtrisée.  

Cette rencontre offre au peintre un précieux soutien, alors qu’il connaît des difficultés financières - qui s’aggravent avec le décès de son frère, la faillite de l’entreprise familiale et son divorce, en 1931.  

La théière jaune et Le maître de piste, Monsieur Loyal, à cheval témoignent de la relation qui unit le collectionneur et l’artiste, relation qui favorisera l’éclosion artistique du jeune peintre chinois à Paris.  
 
En effet, cette période, la plus prolifique pour l’artiste, voit la peinture à l’huile prendre la part belle dans son œuvre, et d’autres techniques telle la gravure s’y développer. En 1932, Henri-Pierre Roché compte déjà 111 peintures à l’huile et 600 dessins de Sanyu dans sa collection. Ne parvenant à s'entendre financièrement, les deux hommes mettent rapidement un terme à cette collaboration.  
 
Auteur de deux romans adaptés au cinéma par François Truffaut, Jules et Jim ainsi que Deux Anglaises et le continent, Roché connaît, grâce à ces deux adaptations, une célébrité posthume. Esprit curieux et avant-gardiste, il consacre une grande partie de sa vie à collectionner, et s’attache à promouvoir des artistes méconnus, auprès de son cercle d’intime. Celui-ci compte des collectionneurs avertis tels Gertrude Stein ou encore John Quinn. En 1957, il écrit dans ses Confessions d’un collectionneur « Influencé par le succès de Picasso, de Marie-Laurencin, je me mis à soutenir des débutants : Pruna [ses danseuses] maintenant dans un monastère en Espagne, dont certaines femmes sont d’une grâce pénétrante ; Ebihara, Japonais aux paysages de neige bleus et blancs ; Sanyu, Chinois, poétique (sa Femme-cheval) ; Marembert (frôlant le surréalisme) ; Papazoff, peintre et écrivain. ». 
Le collectionneur conserve la plupart de ses acquisitions et les inventorie, trois ans avant son décès, en 1956. Cet inventaire atteste du regard précurseur de ce grand collectionneur et marchand, qui repéra notamment, avant les autres, ce prodige, aujourd'hui considéré comme l'un des chefs de file de l'art moderne chinois.  



La Collection Habart. Michel Habart, un écrivain collectionneur

Un ensemble d’œuvres sur papier, provenant directement de la vente de la totalité des biens de Sanyu, après son décès en 1966, passeront également sous le feu des enchères, avec des estimations s’échelonnant de 20 000€ à 30 000€, le 2 juin 2022 chez Aguttes. Ce remarquable ensemble de dessins au crayon ou à l’encre sur papier bénéficie d’une provenance très intéressante : le fonds d’atelier de Sanyu, la vente à Drouot en 1966 puis la Collection Michel Habart.


« À la fin des années soixante, chaque jour de la semaine, mon père Michel Habart parcourt à pied son « triangle d’or » comme il aime à définir son immuable périple parisien. De son domicile situé non loin du jardin du Palais Royal, il se rend rue de Richelieu à la Bibliothèque nationale pour ensuite flâner jusqu’à la salle Drouot. (...) À cette époque, c’est lors de l’une de ses visites matinales à Drouot qu’il découvre une valise remplie de dessins signés Sanyu. Je me rappelle le visage rayonnant de mon père » D.-G Habart, extrait d’un entretien, avril 2022




 

SANYU (1895-1966)
Femme debout de dos tête dans les bras
Crayon sur papier
48,3 x 30,5 cm 

Bibliographie
Wong Rita, SANYU, Catalogue raisonné en ligne, D1225




Alors que le peintre Sanyu connaît, aujourd'hui, une renommée internationale, notamment à Taïwan et en Chine Populaire, il reste, dans les années 1970, méconnu du monde de l’art. Propriétaire d'une valise remplie de dessins et aquarelles, Michel Habart tente alors d’en savoir plus sur l’artiste. Seul à cette époque, le galeriste Jean-Claude Riedel est actif pour la promotion de l’œuvre de ce dernier, qu’il admire particulièrement. Au début des années 1980, l'écrivain-collectionneur croise Antoine Chen, jeune chinois originaire de Taiwan qui se passionne également pour Sanyu. Habart et Chen travaillent alors ensemble à remplir les vides de la biographie du peintre... Ces dessins et aquarelles font l’objet d’une exposition, à Taipei en mai 1982, à la Printmaker’s Gallery. Une deuxième exposition de ces œuvres sur papier se déroule à la Galerie d’Orient, rue des Grands Augustins à Paris, en mai 1984.

​Depuis plus de 10 ans, Charlotte Aguttes-Reynier et son équipe œuvrent pour la mise en lumière des peintres d’Asie, pan méconnu de l’histoire de l’art. Ces artistes oubliés un temps suscitent, auprès des amateurs, un important regain de curiosité. De magistrales enchères ont récompensé ce travail, qui vient également enrichir l’histoire de l’art : près de 18,5 millions d’euros TTC pour quatre toiles du chinois Sanyu. En effet, trois œuvres de l’artistes ont cumulé 10 millions d’euros en 2015 tandis qu’une autre peinture décrochait 8,5 millions d’euros en 2017. 

 







PEINTRES D'ASIE · ŒUVRES MAJEURES [33]

Vente aux enchères
Le jeudi 2 juin 2022, à 14h30

Exposition sur rendez-vous du 16 au 31 mai de 14h à 17h30, sauf les week-ends

Aguttes Neuilly 


Charlotte Aguttes-Reynier
Expert Peintres d'Asie
+33 1 41 92 06 49 • reynier@aguttes.com






Aguttes, première maison de ventes en Europe sur le marché des peintres asiatiques du XXe siècle

Le département des Peintres d’Asie dirigé par Charlotte Aguttes-Reynier, experte, s’attache depuis une dizaine d’année à remettre en lumière les artistes asiatiques méconnus du XXe siècle. Aguttes a ainsi présenté plusieurs dizaines de peintures de Lê Phổ, de Mai Trung Thứ ou encore de Vu Cao Dam, et a obtenu au régulièrement de nouveaux records mondiaux. Ces efforts ont permis à la maison de ventes de se hisser à la première position en Europe sur le marché des peintres asiatiques, pour la satisfaction d’acheteurs venant de l’international.
Parmi les signatures qui sont recherchées des collectionneurs asiatiques, et qu’Aguttes défend avec passion, citons entre autres Lê Phổ, Nam Son, Alix Aymé, Le Thy, Vu Cao Dàm, Mai Trung Thứ, Inguimberty, Nguyen Phan Chánh, Nguyen Tien Chung, Tran Phuc Duyen, Le Thi Luu…Raden Saleh… Et aussi Sanyu, Lin Fengmian, Pan Yuliang…mais aussi tous les artistes issus des écoles des Beaux-Arts de ces régions d’Asie.
Des ventes sont organisées de manière trimestrielle à des dates choisies avec attention, en lien avec l’actualité du marché sur les plus grandes places internationales.