Dans l’intimité des grands écrivains français
 

Si les voyages en contrées inconnues constituaient un loisir en vogue au XIXe siècle, le quotidien des écrivains français à cette époque pouvait cruellement ressembler à celui de leur postérité, entre instabilité financière et quotidien paisible, centré sur l’essentiel… Des échanges épistolaires, aussi authentiques que passionnants, nous instruisent, tel que le ferait un manuel d’histoire, de la situation de nos ancêtres écrivains.

Dans une correspondance datant du 31 octobre 1853, Charles Baudelaire (1821-1867), alors en pleine traduction d’Edgar Poe, confie à sa mère la situation de précarité dans laquelle il se trouve. Il a besoin d’argent et dresse une liste de ses dépenses : « 1° 40 fr. de loyer […] 2° 60 fr. pour la question des vêtements […] 3° 100 fr. qui me permettent de rester enfermé tout le mois de novembre, si cela me plaît, et de ne pas perdre jour à jour tout mon mois. Aurai-je besoin encore d’être aidé par toi en Décembre ? Je ne le crois pas. [...] j’ai l’intention de faire en sorte que cela ne soit pas. – Moyennant tout cela, je considère comme sûr que mon malheureux livre [le recueil des traductions d’Edgar POE promis à V. Lecou] serait fini dans HUIT JOURS ! – à la condition de rester absolument enfermé. – Il me resterait encore près de trois semaines pour finir les articles arriérés — Caricature, Plans de Drames &c... ». L’écrivain insiste sur les 100 francs qui lui permettront de rester chez lui, sans « la nécessité de courir sans cesse pour emprunter de l’argent ».


BAUDELAIRE Charles (1821-1867).
L.A.S. « Charles », [Paris] lundi 31 octobre 1853,
à SA MÈRE Madame AUPICK ; 4 pages in-8.
Estimation : 5 000 - 7 000 euros


Une vie sans-le-sous qui touche à l’époque bon nombre de ses confrères dont Léon Bloy (1846-1917). Le romancier et essayiste français partage les affres de la vie quotidienne avec son ami Léon Bellé, libraire-imprimeur à Lagny. Pleine de fougue, d’humour, de férocité et souvent de pathos, cette correspondance témoigne de l’activité littéraire intense de l’écrivain, de sa détresse matérielle, son optimisme, sa foi ardente, et sa pitié pour le pays en guerre. L’auteur du Désespéré se déclare « l’homme le plus espérant qu’il y ait au monde ».
 

BLOY Léon (1846-1917).
67 L.A.S. « Léon Bloy » et 2 P.A.S., Paris, Montmartre, « Chameaux-sur-Seine », Créteil, Le Tréport, Bourg-la-Reine
1905-1917, à Léon BELLÉ, libraire-imprimeur à Lagny (Seine-et-Marne)
Estimation : 7 000 - 8 000 euros


Puis elle ajoute : « Il paraît que tu étudies le pignouf. Moi je le fuis, je le connais trop. J’aime le paysan berrichon qui ne l’est pas, qui ne l’est jamais, même quand il ne vaut pas grand chose ; le mot pignouf a sa profondeur, il a été créé pour le bourgeois exclusivement, n’est-ce pas ? Sur cent bourgeoises de province, quatre-vingt-dix sont pignouflardes renforcées, même avec de jolies petites mines, qui annonceraient des instincts délicats. On est tout surpris de trouver un fonds de suffisance grossière dans ces fausses dames. Où est la femme maintenant ? Ça devient une excentricité dans le monde »...
Sur un ton plus léger, George Sand conte quant à elle dans un échange datant de 1869 la vie douce et rangée qu’elle mène dans la région berrichonne. Elle écrit à son cher ami, Gustave Flaubert : « L’individu nommé G. Sand se porte bien, savoure le merveilleux hiver qui règne en Berry, cueille des fleurs, signale des anomalies botaniques intéressantes, coud des robes et des manteaux pour sa belle-fille, des costumes de marionnettes, découpe des décors, habille des poupées, lit de la musique, mais surtout passe des heures avec la petite Aurore qui est une fillette étonnante. ». Elle écrit une pièce, L’Autre, « mais je ne veux pas qu’on la joue au printems, [...] je ne suis pas pressée et mon manuscrit est sur la planche. J’ai le tems. Je fais mon petit roman de tous les ans [Pierre qui roule] quand j’ai une ou deux heures par jour pour m’y remettre. Il ne me déplaît pas d’être empêchée d’y penser. Ça le murit. J’ai toujours, avant de m’endormir, un petit quart d’heure agréable pour le continuer dans ma tête, voilà ».



SAND George (1804-1876).
L.A.S. « G. Sand », Nohant 17 janvier [18]69, à Gustave FLAUBERT ;
7 pages in-8 à son chiffre.
Estimation : 4 000 - 5 000 euros

 

Loin de cette vie quotidienne bien huilée, Gustave Flaubert, en voyage en Orient, adresse lui une amusante lettre au dessinateur Camille ROGIER (1810-1896), alors directeur des postes à Beyrouth, un ami de Gérard de Nerval. « Vieux de la vieille C’est caca tout plein de ne pas se trouver à Damas, comme nous nous y attendions ; qué que t’at donc ? Le jeune Du Camp actuellement affligé d’un rhume de cerveau qui fait ressembler son nez à une pine en chaude pisse, prie le sieur Rogier directeur des postes de lui avancer la somme nécessaire à affranchir, et d’affranchir la lettre adressée à Mr Fréd. Fouard. Nous restons ici une huitaine de jours. Nous comptons être revenus à Beyrout du 20 au 25 de ce mois. L’embêtant c’est qu’il en faudra repartir ».



FLAUBERT Gustave (1821-1880).
L.A.S. « Gve Flaubert ou Follbert », Damas 2 septembre 1850,
à Camille ROGIER ; 1 page in-4 
Estimation : 3 000 - 4 000 euros 


L’intérêt pour la civilisation islamique est alors à son apogée, envoûtant de sa culture les Français en quête d’exotisme.

Fasciné lui aussi par l’Orient, Alphonse de Lamartine raconte le voyage qu’il y fera en famille entre juillet 1832 et septembre 1833. Manuscrits, lettres et documents retracent son périple, entre descriptions de paysages et observations religieuses et politiques du voyageur. On y trouve poèmes et portraits dessinés. Ces récits de voyage apporteront un renouveau dans la littérature romantique, amorçant le nouveau courant dit orientaliste.

Ces précieux manuscrits sont à retrouver dans la vente du 18 mars.


 

AUTOGRAPHES ET MANUSCRITS
Jeudi 18 mars, 14h30

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Sophie Perrine : +33 1 41 92 06 44 - perrine@aguttes.com

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