« Max Ernst, figure de proue du surréalisme, fervent admirateur du génie florentin Léonard de Vinci, réalise en 1957 le chef-d’œuvre qu’il titre Projet pour un monument à Leonardo da Vinci.
La Maison Aguttes est ravie de présenter cette toile majeure à la vente le 16 décembre prochain »
Charlotte Reynier-Aguttes, expert

 



 

Le 16 décembre, la maison Aguttes présentera sa vente consacrée aux artistes modernes et contemporains. L’œuvre phare de cette vacation est une très rare huile sur toile signée Max ERNST (1891-1976), intitulée Projet de monument à Leonardo da Vinci et estimée entre 400 000 et 600 000 €.
Remis au cœur de l’actualité culturelle de cet automne 2019 par le musée du Louvre, Léonard de Vinci a toujours eu une place prégnante dans l’œuvre de Max Ernst.

Acteur majeur de l’Avant-garde du XXe siècle, Max Ernst est l’un des premiers artistes à s’intéresser à l’art brut, notamment à travers la peinture et les dessins que produisent les patients d’un hôpital psychiatrique, alors qu’il étudie la philosophie à l’Université de Bonn. S’entourant d’artistes, de poètes et de philosophes, il décide très jeune de ne consacrer sa vie qu’à la peinture. Grand ami d’André Breton, il est l’une des grandes figures des mouvements Dada et Surréalistes.
Le Manifeste du Surréalisme, que publie Breton en 1924, réunit l’ensemble des procédés de création, depuis la peinture à l’écriture en passant par le cinéma et la sculpture. Le but de ce courant artistique novateur, empreint des découvertes de Freud et des débuts de la psychanalyse, est de se détacher entièrement des valeurs reçues et héritées du passé et de découvrir le lien entre le monde réel et celui du rêve, en se libérant du contrôle de la raison.
Toute la production de Max Ernst étudie le rapport entre l’inconscient, la psychologie et l’art. L’artiste s’essaye à l’écriture automatique et à la peinture sous l’influence de substances hallucinogènes. Il explique lui-même, lors d’un entretien avec Simone Arbois pour Paru en 1950 : « Il y a une part d’automatisme et une part de hasard. Cependant la personnalité s’y marque, de même que dans l’écriture. Dans l’opération qui peut sembler la plus hasardeuse, la main est guidée par on ne sait quelle intuition vers une forme ressemblante, non pas ressemblante à quelque chose, mais aux formes qui me hantent et que je hante ». Ainsi selon Ernst, même en cherchant à faire l’œuvre la plus objective possible, la conscience humaine retrouve toujours des motifs connus.

En 1953, alors âgé de 62 ans, Max Ernst rentre définitivement des États-Unis où il s’était exilé au début de la Seconde Guerre mondiale, accompagné de sa quatrième épouse, l’artiste Dorothea Tanning. L’année suivante, en juin, il se voit décerner le Grand Prix de peinture à la XXVIIe Biennale de Venise.
Si ce prix représente pour lui la reconnaissance internationale, il lui vaut aussi d’être définitivement exclu du mouvement surréaliste, comme l’annoncent André Breton et onze autres membres du groupe en janvier 1955, dans l’article « À son gré » du quatrième numéro de la revue Médium. Pour Max Ernst, cette exclusion est vécue comme une « excommunication ».  Il trouve alors refuge en Touraine, tout comme l’immense peintre et théoricien de l’art, Léonard de Vinci, l’avait fait quelques siècles plus tôt.

En 1956, la préfecture d’Indre-et-Loire accueille deux expositions, juxtaposant Renaissance et Art Contemporain : du 23 juin au 1er octobre, le musée des Beaux-Arts de Tours expose les dessins et manuscrits de Léonard de Vinci puis, du 10 novembre au 16 décembre, l’exposition de Max Ernst, Man Ray et Dorothea Tanning.
Dans ce cadre, entre 1956 et 1957, Max Ernst entreprend de peindre plusieurs portraits du génie toscan qu’il admire infiniment. Il expose dix œuvres, dont un petit portrait imaginaire de Léonard de Vinci, spécialement peint pour l’exposition.
Rappelons que Léonard de Vinci était l’un des principaux inspirateurs de la théorie de l’art de Max Ernst, axée sur la fixation de l’aléatoire et de l’inconscient. Max Ernst, surnommé le « Leonardo du surréalisme », avait utilisé dès 1936 dans son texte théorique sur l’art Au-delà de la peinture des passages du traité sur la peinture du maître florentin. Il justifie ainsi sa technique de frottage et son œil tourné vers l’intérieur, car, dit-il, « le rôle du peintre est de cerner et de projeter ce qui se voit en lui».

En 1957, un an à peine après l’exposition collective de Tours, Max Ernst réalise notre tableau Projet pour un monument à Leonardo da Vinci. À travers cette peinture, il ne souhaite pas représenter un monument qui soit voué à être édifié, mais à transcrire sa réflexion. Il s’agit d’une allusion indirecte à l’approche processuelle car Léonard de Vinci, dans ses dessins et ses manuscrits, s’intéressait davantage à l’idée qu’à sa réalisation. Le grand format vertical est parsemé de stries de couleurs entremêlées, de densités fluctuantes, créées par une première application à la spatule qui se répète inconsciemment, en un geste staccato automatique que Max Ernst utilise de plus en plus depuis le début des années 1950. Des repeints et des rajouts viennent ensuite obscurcir différentes parties de l’image ou lui apporter un scintillement magique, et des motifs se détachent peu à peu.


Un oiseau de profil apparaît dans le coin inférieur gauche. À droite, deux mains à quatre doigts saisissent un cristal de lumière aux éclats rouges et jaunes, protégeant et conservant avec grand soin la flamme de la connaissance. Sur le bord gauche du tableau, s’étend une constellation avec des trajectoires, des orbites, des planètes. Avec ce motif, Max Ernst élargit le thème du processus de création au temps et à l’espace, ayant chacun une dimension d’infinité.

Le visage est remplacé par un masque, richement structuré. Une sphère à l’éclat jaune, nimbée d’un anneau rouge ombré, domine la moitié gauche de ce visage anguleux au menton pointu et à la large bouche partagée en deux. Le côté droit du visage est d’un blanc éclatant, avec un trait horizontal suggérant un œil clos. Max Ernst joue sur la légendaire double nature de Léonard de Vinci, à la fois éminent naturaliste et artiste visionnaire tourné, vers l’introspection. Il illustre donc une vision élargie, un regard tourné à la fois vers l’intérieur et vers l’extérieur. Ernst illustre une référence visuelle à l’occhio tenebroso de Léonard de Vinci, œil sombre tourné vers l’intérieur, et résonne également avec une maxime de l’écrivain romantique allemand Caspar David Friedrich, que Max Ernst appréciait aussi : « Ferme ton œil physique, afin de voir ton image d’abord avec l’œil de l’esprit. Puis amène au jour ce que tu as vu dans l’obscurité, afin que cela agisse sur les autres de l’extérieur vers l’intérieur. »

À la fin de l’année 1958, Max Ernst obtient enfin la nationalité française. Son œuvre est mise à l’honneur par une grande rétrospective qui se tient au musée national d’Art Moderne de Paris, du 13 novembre au 31 décembre 1959. Parmi les 175 œuvres exposées, figure notre Projet pour un monument à Leonardo da Vinci. Il s’agit d’un nouvel hommage pour notre toile qui avait été précédemment dévoilée à la documenta II de Kassel, du 11 juillet au 11 octobre 1959.

Cette toile majeure, Projet pour un monument à Leonardo da Vinci, provient d’une collection privée parisienne et est révélée au public par Aguttes à point nommé et pour la première fois depuis 1984.

Nous remercions chaleureusement le docteur Jürgen Pech d’avoir confirmé l’authenticité de l’œuvre et d’avoir participé à la rédaction du catalogue dédié à cette œuvre magistrale.


Max ERNST (1891-1976)
Projet pour un monument à Leonardo da Vinci, 1957
Huile sur toile, signée et datée en bas à droite, titrée, contresignée et datée au dos
130 x 97 cm - 51 1/8 x 38 1/4 in.
Oil on canvas, signed and dated lower right, titled, countersigned and dated on the reverse

Estimation
400 000 / 600 000€


Vente le lundi 16 décembre 2019 par Aguttes à Drouot
Exposition Aguttes Neuilly :
164 bis, avenue Charles-de-Gaulle, Neuilly-sur-Seine
Du lundi 2 au jeudi 5 décembre : 10h-13h et 14h-17h30
Du mardi 10 au jeudi 12 décembre : 10h-13h et 14h-17h30

Exposition Drouot Paris :
9, rue de Drouot, Paris 9
Samedi 14 décembre : 11h-18h
Lundi 16 décembre : 11h-12h

Expert : Charlotte Reynier-Aguttes • reynier@aguttes.com • 06 63 58 21 82
Contact presse : Sébastien Fernandes • fernandes@aguttes.com • 06 72 39 03 23

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A propos d’Aguttes

Aguttes est la quatrième maison de ventes aux enchères française et la première indépendante*. Fondée en 1974 par Claude Aguttes et maintenant dirigée avec deux de ses filles – Philippine Dupré la Tour et Charlotte Reynier-Aguttes – elle est composée d’une équipe de 60 personnes. En 2018, elle dépasse la barre symbolique des 50M€TTC d’adjudication, total annuel jamais atteint par une maison de ventes indépendante en France.
Elle dispose une salle des ventes internationale située dans l’ouest Parisien et des bureaux de représentation à Lyon, Aix-en-Provence et Bruxelles. Ses 15 départements spécialisés permettent la dispersion de grandes collections françaises et enregistrent régulièrement des records aux enchères, plus de 75% de leurs acheteurs étant internationaux.
Acteur majeur de Drouot, la maison y a prononcé la plus haute enchère annuelle en 2015, en 2017 et en 2018.
Reconnue pour la qualité de son service et sa réactivité, Aguttes se positionne comme une alternative sérieuse aux leaders du marché de l’art sur chacun de ses départements spécialisés.